Arthur Brancart, patron des verreries de Fauquez et génial inventeur est un petit peu l’âme du village.

Né à Thulin (Hainaut) le 13 juin 1870, au sein d’une famille modeste, Arthur Brancart commence sa carrière professionnelle comme apprenti mécanicien, avant d’être employé comme apprenti verrier à Boussu.

Soucieux de parfaire sa formation, il suit des cours du soir et s’initie à la décoration artistique, à la peinture et au dessin, ce qui l’amène à travailler comme graveur sur verre aux entreprises Havaux à Saint Ghislain.

D’abord chef d’atelier puis directeur gérant des Gobeleteries et Cristalleries de l’Escaut à Anvers, il se rend à Radom (Pologne russe) avec pour mission d’y remettre de l’ordre dans une filiale de la Société Générale: les bouteilleries et verreries Modéra. Sa carrière prend alors son véritable essor. Il a 29 ans et s’intéresse déjà à la mise au point d’innovations techniques dans le domaine verrier.

La chapelle de verre Arthur Brancart et ses chiens

Les usines de Fauquez ont été acquises en 1899 par un verrier de Manage, Emile Michotte. Elles connaissent cependant très vite des difficultés qui poussent certains membres du conseil d’administration à faire appel à Arthur Brancart, réputé pour ses talents dans le domaine verrier et pour ses talents de gestionnaire. L’arrivée de Brancart à Fauquez en 1902 sera déterminante aussi bien pour l’évolution de l’entreprise que pour le développement du site.

Arthur Brancart prend rapidement une place prépondérante au sein de l’entreprise. En 1904, un département Céramique est ouvert à Fauquez, tandis que Arthur Brancart tente de fabriquer de nouveaux produits verriers. Il envisage une diversification des activités en mettant au point la fabrication de verres spéciaux.

En 1907, les difficultés internes liées à la gestion des usines, de même qu’un contexte social agité, provoquent la démission du conseil d’administration. Suivra une période de turbulences qui permettra à Arthur Brancart d’affirmer son rôle de chef d’entreprise. Son esprit curieux et inventif le pousse par ailleurs à poursuivre ses recherches notamment dans le domaine du verre opalin. Ses innovations en matière de verres opalescents et coloriés reçoivent une première consécration à l’Exposition de Gand en 1913.

La mise au point de la marbrite, commercialisée après la Première Guerre Mondiale dans un contexte de reconstruction et de reprise est déterminante dans le développement des Verreries de Fauquez. Par son originalité, la marbrite connaîtra un succès qui débordera très largement nos frontières.

La fabrication de la marbrite démarre véritablement à Fauquez en 1922. Le rayonnement du produit s’opère toutefois au lendemain de l’Exposition des Arts Décoratifs de Paris en 1925, où les Verreries de Fauquez disposent de leur propre pavillon, fort remarqué et même primé.

Autodidacte, habile en affaires, Arthur Brancart présente de multiples facettes: ne le retrouve-t-on pas, à l’occasion de cette exposition de Paris, comme l’un des six vices présidents du comité belge du groupe architecture, auprès de noms aussi prestigieux que Sneyers, van der Swaelmen ou Van de Voorde? Il saura aussi très efficacement développer toute une infrastructure autour de son entreprise, en fixant la main d’oeuvre et en organisant une vie sociale quasi autarcique sur le site topographiquement si particulier de Fauquez.

Ses sympathies affirmées pour les idées du parti ouvrier belge, alors qu’il n’était encore qu’un jeune apprenti, ne sont probablement pas étrangères à la mise en place de cette politique patronale paternaliste. Celle-ci vise à encadrer quotidiennement la vie des ouvriers pour ainsi dire de la naissance à la mort, en passant par les moments de loisirs.

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Parmi les réalisations de cet ordre, citons outre les écoles, les logements gratuits pour les ouvriers de l’usine, les magasins ( boucherie, boulangerie, épicerie) la salle des fêtes arborant fièrement en lettres de marbrite ivoire Bien Travailler Bien S’amuser, où se tiennent les festivités locales, les projections cinématographiques, les représentations théâtrales, les concerts de l’Harmonie des Verreries de Fauquez…le tout entouré par deux maisons directoriales: l’une à proximité de l’usine de céramique, l’autre au lieu dit Pied d’eau près du département de la marbrite.

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La sépulture d’Arthur Brancart dans le cimetière de Virginal

 

D’autres initiatives telles que la mise en place d’une Caisse de secours et de Prévoyance du Personnel ou l’organisation, pour les ouvriers de l’entreprise, d’un système d’approvisionnement en charbon et pommes de terre, sont relatées non sans emphase dans une brochure adressée au Ministre de l’Industrie, du Travail et de la Prévoyance sociale de l’époque. Les aménagements sur le site de Fauquez connaissent cependant un véritable point d’orgue avec l’édification, entre 1928 et 1929, de La Chapelle Sainte Lutgarde, étonnant immeuble vitrine des productions du département marbrite, à l’instar de la salle des fêtes et des maisons directoriales.

Les années 1920 1930 correspondent à la présence d’Arthur Brancart à la tête des usines. Elles marquent l’apogée des Verreries de Fauquez dont la spécialité, la marbrite, n’évincera pas les autres activités industrielles de l’usine: production de verres creux, de verres spéciaux, de céramique. Ce matériau original contribuera toutefois, pour une grande part, au puissant essor des usines dans l’Entre-Deux-Guerres: n’occupant, à l’origine, que 200 ouvrier, celles-ci en emploient 800 entre 1926 et 1930.

Gravement malade, Arthur Brancart se retire de la direction de l’entreprise en 1932, deux ans avant sa mort. Un comité directorial composé de ses fils, Robert, Yvon, Robert et Raoul et de son neveu Claude Locreille lui succède. Chacun des codirecteurs a la responsabilité d’un secteur de l’usine: Yvon Brancart dirige le département marbrite. Bien que les verreries de Fauquez maintiennent leur activité, la retraite anticipée d’Arthur Brancart signe l’amorce du déclin de l’entreprise, dont la gestion se trouve minée par une direction éclatée. Durant les années 1930, la production de la marbrite continue à prospérer, mais la seconde guerre mondiale marque une cassure: la pénurie de matières premières et énergétiques contraint le département marbrite à interrompre ses activités. Celles-ci ne reprendront qu’en 1949.

Un mode de production obsolète, la concurrence de nouveaux matériaux, une gestion défaillante … entraineront la fermeture progressive des divers départements des usines de Fauquez. L’usine de marbrite ferme ses portes en 1964. Seul le secteur des verres creux maintient ses activités au delà des années 1970. Il sera vendu aux Bouteilleries belges réunie, en 1972. Sa cession en 1974, à la Société Verlipack annonce la fin de la production verrière: le département est alors reconverti à la fabrication de bouteilles en plastique jusqu’en 1981, date de l’arrêt définitif de toute activité industrielle à Fauquez.