A.Bief n° 1 à bief n° 8

Entre la Sambre et l’écluse n° 9, sur une étendue de 10.145 m, et depuis 1857, comme nous l’avons dit précédemment, le canal était déjà à grande section. Toutefois, on décida d’exhausser et d’allonger les écluses de manière à leur donner une longueur utile de 40,80 m en même temps que les digues étaient exhaussées pour permettre de réaliser un mouillage de 2,40 m autorisant l’admission de bateaux ayant 2,10 m de tirant d’eau.

Ces transformations étaient d’autant plus nécessaires qu’il fallait remédier à l’affaissement de grande ampleur que subissait la voie navigable dans cette zone.

Ce mouvement, qui était causé par les travaux souterrains des nombreuses exploitations charbonnières, était tel que l’écluse n° 1 à Dampremy ne présentait plus de chute entre l’amont et l’aval, alors qu’en 1880 il existait encore une dénivellation de 0,969 m entre le bief n° 1 et la Sambre.

L’opération exigea l’exécution d’importants et difficiles travaux d’étanchement des digues, travaux qui durent être réalisés sans interrompre la navigation. Elle nécessita, d’autre part, le renforcement des bajoyers de certaines des écluses par des contreforts et des voûtes de décharge avant de procéder à leur exhaussement, tout en réservant la possibilité de les exhausser à nouveau à l’avenir.

Ces travaux, réalisés de 1887 à 1890, entraînèrent une dépense de 1.100.000 francs.

B. Bief 9 et bief  10

Les travaux de mise à grande section des biefs n° 9 et 10, ainsi que des écluses n° 9, n° 10 et n° 11, travaux s’étendant sur une longueur de 2 .770 m, furent exécutés pendant les années 1882 et 1883 pour une dépense de 910.000 francs.

C. Bief de partage

Les travaux de mise à grande section du bief de partage, soit le bief n° 11 compris entre les écluses n 11 (côté Charleroi) et n° 12 (côté Bruxelles), comportent deux parties le bief de partage proprement dit et la traversée de la crête de partage du bassin de la Sambre et de la Senne, le tunnel de Bête Refaite trop exigu devant faire place à un nouveau tunnel “â grande section” connu sous le nom de “Tunnel de Godarville” voir….

Ces 2 travaux furent exécutés distinctement. La mise à grande section du bief de partage, qui portait sur une longueur de 9.035 m, débuta en 1884 pour s’achever l’année suivante. Le tunnel â grande section, les tranchées d’accès de cet ouvrage ainsi que le chenal de l’écluse n0 12 nouvelle, qui avaient au total un développement de 2.266 m, furent entamés en 1882 pour se terminer en 1885.

Examinons plus en détail chacun de ces travaux.

a. Le bief de partage proprement dit Sa réalisation exigea 796.000 mètres cubes de déblais. 11 fallut en Outre construire quatre ponts métalliques de 27 m de portée, ainsi qu’un aqueduc-siphon â ciel métallique possédant deux arches de 1,80 m de largeur chacune.

La dépense totale s’éleva à 1.695.000 francs.

Peu de temps après son achèvement, d’importants glissements de terrain, dûs à la mauvaise qualité des terrains traversés et situés de part et d’autre du pont de la Fléchère, nécessitèrent l’exécution de 100.000 mètres cubes de déblais supplémentaires et l’établissement, sur la rive gauche, d’un mur de soutènement de 3 m de largeur sur environ 600 m de développement près du pied du talus de la tranchée (dite également de la Fléchère).

Ces travaux supplémentaires augmentèrent les dépenses de 500.000 francs.

b. Le tunnel de Godarville

Le nouvel ouvrage fut établi parallèlement au tunnel à petite section de la “Bête Refaite”, à environ 400m de ce dernier, en 1885.

Le tunnel de “Bête Refaite” laissait le souvenir d’une entreprise difficile, dangereuse et coûteuse, les multiples embûches rencontrées lors de sa construction trouvant leur origine dans la nature du terrain traversé.

Le nouveau souterrain n’allait pas échapper à la configuration géologique peu propice de la crête de partage. En effet, le tunnel devait être creusé dans des sables fins argileux du terrain yprésien supérieur, connus sous le nom d’argile de Morlanwelz.

Ces sables argileux, qui étaient presque imperméables au niveau de la base du tunnel, étaient par contre altérés par les eaux et fluants au niveau de la voûte.

Cette particularité se présentait surtout pour la moitié nord du tunnel, où les sables aquifères, d’une grande finesse, furent au cours des travaux entraînés parles eaux d’infiltration dans la galerie d’assèchement, en produisant dans la colline des vides en forme d’entonnoirs qui débouchaient à la surface du sol, autrement dit, provoquant des fondis identiques à ceux que VIFQUAIN avait combattus 53 ans auparavant.

La nature aquifère des terrains traversés exigea donc le creusement préalable d’une galerie d’assèchement de 1,80 m de hauteur sur 1 m de largeur établie sur toute la longueur du tunnel approximativement au niveau du radier avec une faible pente longitudinale vers Bruxelles.

Pour l’exécution proprement dite du tunnel, la “méthode belge” fut utilisée (fig. 84), c’est-à-dire, la technique qui consiste à percer le souterrain de haut en bas, en progressant de la voûte vers le radier.

Pour le tunnel de Godarville, une petite galerie de calotte fut creusée préalablement; ensuite elle fut approfondie jusqu’au niveau des naissances de la voûte en plein cintre. Par après, l’excavation fut élargie par soutènement des terres au moyen de boisages disposés en éventail.

L’établissement des pieds droits se fit par reprises en sous oeuvre. Une large galerie centrale de 3,75 m fut, à cet effet, descendue en deux étapes jusqu’au niveau du radier, en incorporant la galerie d’assèchement dont il a été fait mention plus haut.

Des excavations alternées furent ensuite creusées latéralement sur des longueurs plus ou moins grandes variant avec la nature du terrain rencontré. Elles furent solidement boisées de façon à pouvoir exécuter, en une fois, le pied droit sur toute sa hauteur, c’est-à-dire, 2 m depuis la fondation jusqu’aux naissances de la voûte en plein cintre. La section de l’ouvrage fut complétée en dernier lieu par l’exécution du radier en voûte renversée.

Ces travaux avaient été précédés par l’exécution de cinq puits, dont deux, établis à l’aplomb de l’ouvrage, furent maintenus pour la ventilation.

Le tunnel avait une longueur de 1.050 m et présentait une section intérieure de 8 m de largeur et de 9 m de hauteur sous clef, ce qui correspondait à une section libre de 62,75 mètres carrés. La section mouillée était de 21 mètres carrés.

A titre de comparaison, le tunnel de “Bête Refaite” mesurait 1.267 m et avait une section de 16 mètres carrés, pour une section mouillée de 7,2 mètres carrés.

Le creusement du tunnel avait exigé des déblais sur 11 m de largeur et 11 m de hauteur sous clef : ils atteignaient au minimum 110 mètres cubes par mètre courant (à titre de comparaison, la réalisation du canal actuel à 1.350 tonnes a nécessité un volume de déblais en tranchée de 7.000 mètres cubes par mètre courant). Le volume des maçonneries de briques était de 48 mètres cubes par mètre courant.

Les deux têtes du tunnel de Godarville furent pourvues de portes que l’on fermait aux époques de froid rigoureux pour soustraire, autant que possible, les maçonneries de revêtement de l’ouvrage d’art aux atteintes du gel et empêcher la formation de glaces. En outre, un double jeu de poutrelles permettait de barrer le tunnel à chacune de ses extrémités de façon à pouvoir, si nécessaire, assurer sa vidange sans devoir mettre à sec le restant du bief de partage.

Le coût du tunnel de Godarville s’est élevé à 2.694.000 francs, soit 2.566 francs par mètre courant.

L’Administration des Ponts et Chaussées avait laissé la liberté de choix dans le mode de traversée de la crête de partage.

La solution du souterrain fut retenue vraisemblablement à cause de l’expérience acquise durant les décennies écoulées.

Mais d’autres solutions existaient en effet, les plans inclinés et les ascenseurs pour bateaux étaient à cette époque des techniques qui connaissaient un grand développement. C’est ainsi que la firme anglaise Clark, en association avec la firme belge Cockerill, présenta pour la première fois en Belgique un projet d’ascenseurs.

Ce projet consistait en un groupe de deux ascenseurs, l’un sur le versant Senne et l’autre sur le versant Piéton, chacun destiné à permettre aux bateaux de franchir une dénivellation de 15 mètres pour accéder au bief de partage.

La firme anglaise possédait l’expérience d’un tel système qui avait été installé à Anderton depuis plusieurs années déjà, en juillet 1875. Voir…

Il faudra toutefois attendre 1884 pour que ce mode de franchissement trouve une application en Belgique : en effet, les mêmes firmes présentèrent un projet similaire pour le Canal du Centre (fig. 87).

Cet ascenseur, celui d’Houdeng Goegnies, appelé ascenseur n° l, fut construit en quatre ans, soit de 1884 à 1888. Par contre, il faudra attendre 1917 pour voir l’achèvement des trois autres ascenseurs sur ce canal assurant la liaison Seneffe-Mons.

C’est une commission instituée le 2 juin 1880 par le Ministre des Travaux publics et présidée par H. MAUS, Directeur général des Ponts et Chaussées, qui étudia les différents projets présentés : c’est donc la solution “souterrain” qui fut retenue.

Le 15 mars 1882, une convention fut signée entre le Ministre des Travaux publics et l’entreprise De Baere d’Anvers, déclarée adjudicataire des travaux conformément aux clauses et conditions du cahier des charges n° 184 de 1879.

Pour la partie des travaux à réaliser en souterrain, les entreprises De Baere s’associèrent à la firme Dauderni

Relevons dans le cahier des charges certaines clauses particulières :

— “l’épaisseur des maçonneries du souterrain ne sera pas inférieure à 1 m à la clef de voûte, 1,50 m au point de raccordement de la voûte et de ses pieds droits et 0,75 m à la clef du radier qui sera établi en forme de voûte renversée.

— La banquette à ménager dans le souterrain pour le service de halage sera portée sur colonnettes en fonte, supportant des poutrelles en fer et des voussettes en maçonnerie surmontées d’un bon pavage.

— Trois caponnières seront ménagées dans les parois du côté du chemin de halage pour pouvoir, en cas de besoin, laisser retourner le cheval sur ses pas sans l’obliger à aller jusqu’au bout du souterrain.

— La construction du souterrain s’opérera par l’attaque des deux extrémités et par le fonçage de 4 puits jumeaux distancés l’un de l’autre de 210 mètres et placés alternativement à 15 mètres de l’axe du tunnel. Le fonçage des puits commencera par des cadres carrés de 10,50 m de longueur sur 5,25 m de largeur, revêtus à l’extérieur de planches pour arriver sur le sable boulant. C’est alors que commencera le fonçage des cuves pour former des puits dans chaque compartiment, de 3,50 m de diamètre et d’une profondeur de 3 m, en contrebas de la partie supérieure du radier qui sera en voûte renversée, le tout suivant les indications des plans.

 Deux galeries parallèles seront pratiquées dans chaque puits et perpendiculaires à chaque puits à la hauteur de la naissance de la voûte pour attaquer les déblais de la galerie centrale du souterrain.

Arrivés dans l’axe du tunnel, les mineurs commenceront immédiatement les avancements vers les deux extrémités en posant les cadres à 2 ou 3 mètres d’intervalle avec blindages selon les besoins pour arriver ainsi en face des galeries des autres puits correspondants, établir l’axe suivant les repères des axes supérieurs et commencer immédiatement les déblais pour la voûte en posant les cintres pour les maçonneries de la calotte.

Ce procédé, dont l’exécution repose principalement sur le drainage préalable de tout le massif de terrain à traverser, est celui que le soussigné a déjà eu l’occasion d’employer avec un plein succès et à la satisfaction des ingénieurs réceptionnaires ainsi qu’il se réserve d’en fournir la preuve si cela était jugé nécessaire.

Le souterrain à grande section permettra le passage facile de bateaux de 5 m de largeur et d’un tirant d’eau maximum de 2,10 m.

 La hauteur libre entre la flottaison maximum et la voûte sera d’au moins 4 m, verticalement, â l’aplomb de cha une des faces intérieures des lisses de guidage appliquées contre les banquettes en comptant sur la ligne de flottaison.”