L’intérêt de l’ouvrage de Ronquières est multiple. D’abord il relancera l’économie du bassin de Charleroi en réduisant le prix et le temps de transport. Il inaugure une technique intéressant le monde entier. Enfin, il draine le tourisme.

Une vision démesurée: Ronquières. Un plan incliné gigantesque qui semble construit par des nains. Tubes géants, canal aérien, colonnes de béton, sables et vents transformant le plateau sud de Ronquières en un chantier encore inhumain mais où l’on devine déjà la vie de demain.

Unique au monde, audacieuse, d’avant garde, cette réalisation est tout à l’honneur de ses ingénieurs.

Annoncé pour le début de 1961, commencé effectivement en mars de l’année suivante et « officiellement » prévu pour la première moitié de 1967, après l’avoir été pour 1964, pour 1965 et pour 1966, l’ouvrage accompli à Ronquières n’en a pas moins atteint une réputation mondiale.

Des visiteurs il en est venu de partout, d’Europe, de Chine, du Japon, d’Australie, du Pérou, des Etats-Unis. Mr Roudnev, vice-président du conseil des ministres d’Union Soviétique et une délégation de son pays ont vu Ronquières.

Pour ceux-là, le plan incliné représente un exploit de la technique, un pas vers de nouveaux espoirs.

Dans l’économie du pays, Ronquières doit permettre au canal de Charleroi de jouer le même rôle que celui que joue le canal Albert dans le Bassin Liégeois. Pour le minerai de fer, par exemple, le canal Albert permet à Liège de bénéficier d’un prix de 5 % moins élevé que Charleroi. Le nouveau tracé du canal doit permettre de rétabli l’équilibre.

Pour l’économie de la Wallonie, un autre avantage à considérer est la vaste zone industrielle qui ne manquera pas de s’ériger tout au long du canal. Déjà une firme suédoise à acheté neuf hectares de terrain.

Un canal à deux têtes

D’une efficacité remarquable, le plan incliné ne fut pas aisément admis par tous. Transporter des péniches de 1300 tonnes dans un bac glissant sur rails, et ce, sur une distance d’environ un kilomètre et demi, semblait pour certains une folie.

Une solution, qu’on le veuille ou non, devait cependant être trouvée. En effet, le tracé du nouveau canal de Charleroi passait par Ronquières. Dès lors, après avoir envisagé toutes les solutions possibles, l’Etat donna le « feu vert ».

D’une réalisation complexe,minutieuse et colossale, cet ouvrage forme une véritable prouesse. Pourtant, on s’en souvient, le principe de son fonctionnement est assez simple.

D’une longueur de mille quatre cent trente et un mètres, le plan incliné allonge deux chemins de roulements parallèles où glisseront deux bacs, longs eux-mêmes de nonante et un mètres. Chaque bac, équipé de deux cent trente-six roues, munies de bourrelets franchira les soixante-six mètres de dénivellation qui séparent l’aval de l’amont du canal et arrivera ainsi ( avec son contenu !) à l’autre extrémité du plan incliné, tandis que l’autre bac effectuera la même manoeuvre en sens inverse. Le parcours total n’aura duré, entrée et sortie comprise que vingt et une minutes.

Le plan incliné coupera donc le canal de  Bruxelles à Charleroi en deux sections bien distinctes. La section Charleroi-Ronquières sera alimentée en eau, comme l’était l’ancien canal par le bassin de Charleroi. Pour fournir une eau suffisante à la section Ronquières-Bruxelles, une conduite forcée puisera l’eau dans la partie supérieure du canal et la déversera en aval. Cette conduite forcée passera par une petite centrale hydro-électrique qui, non seulement alimentera les installations de l’écluse géante mais encore, permettra par la vente d’électricité au secteur public, de réaliser des économies annuelles de quelques dix millions de francs.

Aux quatre cinquièmes de sa longueur, lorsqu’on remonte le plan incliné, celui-ci devient aérien. Long de quelque trois cent mètres, cet « aqueduc viaduc » géant, soutenu par soixante-dix colonnes est quasi terminé. Quant à la fameuse tour de Ronquières, construite à la vitesse de six mètres par jour, elle est achevée et semble ne plus attendre que son inauguration.

Quelques dates :

Le 16 juillet 1956, le Premier Ministre déclare à Mons que la mise au gabarit de 1350 tonnes du canal de Bruxelles-Charleroi ainsi que son embranchement vers La Louvière seront terminés pour 1960. Un an après cette déclaration, en mars, une loi garantit des crédits afin d’assurer la navigation du canal dès 1960.

Le 29 mars 1958, le ministre des Travaux Public annonce devant la Chambre de commerce de Mons, la mise en chantier du plan incliné de Ronquières et la réalisation de l’ouvrage pour 1961.

En mars 1962, le premier coup de pelle est donné et ce travail titanesque est enfin entamé.

Nous passons sur tous les pourparlers qui s’effectuèrent entre temps ( mais nous pouvons assurer qu’il y en eut !).

En septembre 1962, les premières difficultés surviennent. Lors des travaux de fondation, une firme française ,spécialisée dans les forages à grande profondeur,  doit intervenir.On venait de découvrir dans le sous-sol, une roche assez altérée., surmontant une couche de terrain de force portante insuffisante. Bien que ralentis par l’hiver, les travaux  se poursuivent.

Fin 1964, un incendie dévaste les coffrages du pont-canal et deux heures de feu suffisent à anéantir un mois de travail.

Novembre 1965, le pont-canal est quasi achevé. Le chemin de roulement ouest du plan incliné est terminé. L’autre l’est au quatre cinquièmes.

L’achèvement des travaux est actuellement prévu pour 1967.

Philippe Robert.

Le Soir Illustré 25 novembre 1965. Numéro 1744. Vendu à l’époque 10 francs belges.

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