Nous avons vu au chapitre  VI que le nom de «Ronquières » n’apparaît pour la première fois dans les documents qu’en 1134, en même temps qu’est mentionnée l’organisation de son territoire en paroisse.

Quelques années plus tard, on voit que le village est également constitué en unité politique, dotée d’une administration (voir chapitre VII).

Le village ainsi créé est passé dès les environs de 1200 sous l’autorité féodale du seigneur d’Enghien (chapitre VIII et IX) qui le conserva jusqu’à la fin de l’ancien régime, sans autres changements que ceux qu’imposait l’évolution sociale. Les cartulaires dressés pour Louis de Luxembourg en 1448 et 1460 (voir chapitre IX) permettent, avec les quelques sources antérieures dont on dispose, de donner une vue assez exacte de la structure féodale de Ronquières, depuis les débuts du dominium des seigneurs d’Enghien.

En dehors du domaine cistercien d’Haurut (chapitre  X), il y avait :

  • quelques parties du terroir ronquiérois, concédées en sous-fiefs à des maîtres féodaux (vassaux du seigneur d’Enghien), et régies par certaines règles spécifiquement féodales
  • une quantité de mainfermes c’est-à-dire de propriétés particulières soumises à diverses obligations seigneuriales, nées au 11eme siècle par défrichement surtout (voir  chapitre V et tableau à la fin du chapitre  III).

Voyons maintenant plus en détail, ces fiefs et ces mainfermes.

1°) Le plain fief de la Bruyère (Cartulaires 1466 numéros  6 à 10).

Il s’étendait à l’Est du village, entre le chemin numéro  1 (vers le Croiseau) et le chemin numéro  2 (vers Bornival et Nivelles) avec une pointe à Pideau et vers la rivière (prairie).

Suivant le cartulaire de 1466, il se composait auparavant de 27 bonniers.

Il semble avoir été morcelé d’assez bonne heure pour constituer notamment:

un fief ample de l’Aunoit; dès mai 1277 et jusqu’en 1357, on trouve, parmi les échevins, des Symons et Raous del Aunoit, Jackemars del Aunoit, Hanons del Aunoit, Symon del Aunoit, Jehans del Aunoit, qu’on peut supposer avoir été propriétaires de ce fief ; en 1466, devenu propriété des Virely, il est réincorporé dans le fief de la Bruyère reconstitué. Plus tard, le nom de l’Aunoit sera donné à une petite exploitation voisine formée de mainfermes;

quelques parcelles devenues héritages-mainfermes soumises à des rentes seigneuriales. Ce détail nous fait remonter aux dixième ou onzième siècles, époque où ce mode de concession était fort en faveur à Ronquières, alors que, plus tard, les parcelles éclissées d’un fief conservent le statut de terres-fiefs.

Avec le cartulaire de 1466, on voit que le parcellement se poursuit :

  • au profit d’un héritage-mainferme voisin, nommé le Martinet ;
  • et surtout par une division pratiquée avant 1448 du gros du fief: 13 bonniers sont conservés en plain-fief par Jehan de la Bruyère, dans l’angle Est des chemins numéro  2 (vers Bornival) et numéro  4 (chemin del Corroye); il y construira la ferme de Renisart, qui subsistera jusque dans le premier quart du 19eme siècle, pour être alors louée au fermier de l’exploitation voisine d’Hongrée.  Le reste du fief soit 14 bonniers, y compris la maison de ferme, est acheté, fief ample, par Mathieu Le Virely.

Mais par contre, on constate que Mathieu Le Virely devait, à ce moment, posséder plusieurs parcelles éclissées, et notamment l’Aunoit, si bien qu’il reconstitue un nouveau fief comprenant:

  • 17 bonniers, outre un certain nombre de rentes seigneuriales assises sur des héritages-mainfermes ;
  • le morceau de plus de 6 bonniers qu’il a donné en avance d’hoirie à son fils Mathieu avec quelques rentes seigneuriales.

Mathieu Le Virely devait aussi être propriétaire de terres mainfermes importantes qu’on estimera plus tard, valoir à peu près autant, dans la cense del Bruyère, que les terres fiefs, avec lesquelles elles resteront, sous l’ancien régime, unies sous le même propriétaire.

Un des descendants de Mathieu, Jehan Le Virely, achètera en 1567 la Petite Bruyère.

L’étendue totale devait être d’environ 70 bonniers. Après l’ancien régime, la Petite Bruyère se séparera de la Bruyère, pour former une ou deux exploitations distinctes, aujourd’hui quelque 18 hectares. La Bruyère se morcellera tout à fait dans la deuxième moitié du 20ème siècle, et aujourd’hui elle est réduite à quelques 37 hectares.

Mais sous l’ancien régime, elle avait grande allure et ses propriétaires furent toujours des personnages assez importants. Ce furent d’abord des « del Bruyère » échevins ou mayeurs de Ronquières, dont le premier apparaît déjà en 1212 (Cartulaire page 564) et dont le dernier vivait au 15ieme siècle; puis les « Virely» en deviennent propriétaires dans la première moitie du 15ieme siècle. Les derniers descendants la vendent ;

le 4 novembre 1586, au capitaine Ogier de Tournay dont les héritiers la vendent ;

le 6 juin 1629, à Henri de Croonendael, chevalier, seigneur de Vlieringhe ;

la dernière héritière de Croonendael, Marie Ernestine Austerberte, la céda, le 15 septembre 1731, à Frédéric Ingelbert Max Joseph d’Ennetières, comte de Mouscron ;

au 19° siècle, on la trouve en possession du comte de Lannoy.

Dans ces conditions, on comprend que le fief ample de 1466 ait repris la qualification noble de plain-fief et qu’on y trouve encore aujourd’hui une tour carrée, massive, encastrée dans le corps de logis, avec ses trois étages, et ses trois caves, pourvues, semble-t-il, d’un couloir souterrain de sortie.

On verra même les Croonendael, se qualifier « seigneurs de la Bruyère et de Sourbise»

2°) le plain-fief du Masy  

(dérivé du latin ‘mansicum’ (diminutif de mansus) = petite ferme) (Cartulaire 1466 numéro  3)  comprend 30 bonniers ou environ dans la vallée inférieure du ruisseau du Servoir (en amont du vivier d’Enghien) et d’un autre ruisseau tributaire, le ri du Point-du-Jour. Il s’étend d’un côté sur le champ de l’aîte et de l’autre, jusqu’au bois du Plantis, avec maison centrale, une petite ferme actuellement cadastrée section A numéro  316. Il devait comprendre, à l’origine, une bonne partie de bois ou bruyères ainsi que le marquent les noms de plusieurs de ses parcelles: Sart du Masy, Wautiersart, Bois du Masy, Aunoit du Masy.

On relève, au 14ieme siècle, successivement, un Maître Jakesme des Masis, un Jehan dou Masich, un Godefrois des Masis, que l’on peut supposer propriétaires du fief.

Il appartient en 1466 à Michel de Boussoit, qui le tient de son père Eustache, puis le transmet à son fils Etienne. Celui-ci doit le céder, en 1495, à Maître Guillaume Stradio, chancelier de Brabant. Son fils le cède, en 1517, à Jehan Anthoine, fermier du Quesnoit.

Avec Jehan Anthoine et son fils, Jehan le Fiefvet, le fief se morcelle, dès 1522, en 7 parcelles et plus, dont l’une, avec la maison, continuera seule à être qualifiée plain-fief, tandis que les autres, éclissées, deviendront fiefs amples (les Pierrettes, le sart du Masy, le bois du Masy, etc.).

Les terres du Masy, tant plain-fief que fiefs amples, étant trop petites pour avoir une organisation propre, relevaient directement de la Cour féodale fonctionnant à Rebecq pour tous les fiefs brabançons du seigneur d’Enghien.

3° Le plain-fief des Noues (Cartulaire 1466 numéro  11)

Il s’étire en longueur, depuis la Marche jusqu’au chemin de Brame, à son entrée dans le Bois de la Houssière, y compris les prairies du cours moyen du ruisseau du Servoir. Il ‘s’étend sur 40.à 42 bonniers en 1466.

4° Le fief des Wastelain,

en bordure du chemin de Brame et du Bois de la Houssière.

5° Le fief de l’Escaille et le fief de Lobiewarde

 (Cartulaire 1466 numéros 12-14) comprenant surtout les prairies de Combreuil à Ronquières. Notons que ce fief s’étendait principalement sur le territoire actuel de Feluy et même d’Ecaussinnes (voir  Soignies  tome  13 page 113, 114 et tome 14 page 29, 30 où il est parlé de ces fiefs dans leurs rapports avec Henripont et Oisquercq).