L’une des caractéristiques de l’ancien régime, c’est la multiplicité des brasseries et le fait que celles-ci étaient en même temps des débits de boisson. Les brasseries fabriquaient la bière et la clientèle fournissait le grain, l’orge et les autres matières premières et payait la redevance requise.  Les brasseries vendaient la bière en gros ou au détail. Un tome valait 120 pots ou 240 pintes.

Les brasseries de la grand-place

Fin du 18eme siècle, nous trouvons sur la Grand-Place cinq brasseries, groupées autour de la retenue d’eau du moulin qui leur fournissait l’eau nécessaire à la fabrication de la bière.

De la place, en partant de l’aval ou en amont du moulin, deux chemins prenaient la direction de Chenu. En amont passait sur le pont de la retenue d’eau la route de Braine Le Comte à Nivelles. En aval de la chute d’eau passait à gué une seconde route allant vers Chenu.  Ce passage était communal mais l’autre était un passage privé qui appartenait au moulin.  Le pont situé aux abords de la Petite Suisse (Le Si Bémol) n’existait pas. La route était aussi un passage à gué. Quant au pont de pierre de Chenu, démoli lors de la construction du plan incliné de Ronquières il est antique et a été construit vers 1800 par les cisterciens de Cambron. 

Trois brasseries se trouvaient à proximité du pont du moulin.  La première, adossée à la rivière et au pont (maison Pasquet), elle existait en 1595 et cessa vers 1825. La brasserie de l’Auge et celle du Cerf étaient localisées sur la place du moulin (probablement le restaurant l’escale), l’autre, l’ancien café Léopold Brancart avec la maison Lucien Druet.

De l’autre côté, le long de la rivière et du passage à gué se trouve la brasserie du Lion Rouge (restaurant le Si Bemol), déjà en activité en 1410 et dont la salle de fabrication a été démolie avec le plan incliné. L’autre avait un lion sculpté sur la pierre au-dessus de la porte.

Un peu plus loin, il y avait une autre brasserie qui appartenait à Antoine Thomas. Elle était du 17eme siècle. Elle a aussi été démolie pour le plan incliné.

Les brasseries du Charly des Bois

Le Charly des Bois et le Pied d’eau formèrent de bonne heure une agglomération groupant les ouvriers du bois tels que charrons et scieurs en long du bois.  Cette population fête son patron avec Henripont qui n’est qu’à la pointe extrême du Charly des Bois et s’appelle aujourd’hui encore le « Charly des Postes » qui nous rappelle que les diligences et la malle postale y passaient jadis. Le long du Chemin des Postes, nous trouvons la brasserie « Gohaux » qui, en 1537, appartenait à Gilles Stillemans. On trouve aussi au Charly des Bois la brasserie Brulotte appartenant à François Berteau.

A la même époque, auprès du pont de pierre de Pied d’eau, nous trouvons la brasserie de la Croix de Bourgogne appartenant au Marquis d’Herzelles. Elle était exploitée par Jean Taminiau et en 1704 par André Taminiau.  Le brasseur Jean Joseph Robert y faisait de la bière blanche.  Enfin, au point de contact de Ronquières et de Braine-Le-Comte et d’Henripont, à l’extrémité du Charly des Bois, Jean Joseph Lefèvre avait une brasserie qui, en 1810, était dénommée « Cambier » ou « Cambic ».

La bière a toujours été taxée à huit sous par brassin. A la fin   du 17eme siècle, elle était d’un liard, soit 6 deniers par pot. En 1699, le collecteur était dit « Fermier du Liard » et se nommait Ghislain. Il y eut dans la seconde moitié du 18eme siècle une autre brasserie plus importante. Elle comprenait toutes les petites maisons de la rue actuelle de la brasserie. Elle avait été créée par le père de Jules Dekeyn, ancien bourgmestre.  Elle a cessé ses activités après les années 1920. La clientèle fut reprise et approvisionnée par la brasserie Georges Hanicq de Tubize.

La belle Hotesse

Tout le monde a entendu parler de la « Belle Hôtesse ». En 1800, quand la forge Canart cessa et qu’on n’entendit ni le soufflet attisant le feu, ni le marteau frappant le fer rouge sur l’enclume, la maison de la forge était isolée. Dans les environs, il n’y avait guère que trois habitations. En arrière, la genièvrerie de Jacques Deprets, (restaurant le Sibémol) à droite et au pied du chemin montant à la chapelle du Bon Dieu de Pitié, la maison de Pierre Moulin et, de l’autre côté, au point d’intersection de la rue Surbise et du chemin d’Ecaussinnes, la maison de pierres habitée successivement au 17eme siècle par Théobalde Chenu, Jean Chenu et Nicolas Chenu qui fut maréchal. Ce fut cette famille qui donna son nom au hameau.

Et à l’arrière-plan la grande ferme du Quesnois, tandis qu’à l’entrée de la rue Surbise, la ferme dite « la Belle Maison ». Commencé en 1826, le canal avait été inauguré en 1832. Trois écluses accostaient les trois vieux ponts, le pont d’aise, le pont à Lalieu et le pont de Pied d’eau. L’écluse de Chenu était enjambée par un pont sur lequel passait la route de Braine-Le-Comte à Nivelles. C’est à proximité de cette écluse que Félicien Goïens et sa femme Eléonore Stadiot construisirent la « Belle Hôtesse ». Probablement en hommage à Eléonore. C’est donc une auberge presque deux centenaire. Elle passa ensuite à Séraphin Balsacq et ensuite à sa fille qui épouse Théodore Robin.

Elle fut démolie au moment de la construction du plan incliné.

La brasserie du Rouge Lion

Le Rouge Lion est voisin de la cure et leurs deux jardins se rejoignent le long de la rivière. Au moment où les documents signalent cette cambuse et la guinguette qui la doublait, ils parlent aussi du courtil qui servait d’habitation au curé.

Cette brasserie, assise sur la rivière, était située au bord du passage à gué qui mettait en communication les deux rives de la Marck, en aval du moulin. Les voyageurs aimaient à s’y attarder avant de passer la rivière.

A partir de 1757, le Rouge Lion devint la propriété d’André Vanderelst qui l’avait reçue de sa femme Renelde Druet.  Il le passa ensuite à son fils Jean-Joseph puis à son petit-fils Jean-Chrisostaine. A la mort de celui-ci, la vieille cambuse fut mise en vente et achetée par Jean-Baptiste Rogmans d’Ittre qui en fit une boucherie.

La brasserie Deflandre

La famille Deflandre a joué un rôle important à Ronquières au 19eme siècle. Comme fermiers d’abord, puis comme distillateurs et comme brasseurs. Les Deflandre ont été mêlés à la vie de Ronquières et sont alliés aux principales familles du village.

Ils arrivent au moment où va s’ouvrir le canal Charleroi-Bruxelles. Et pendant qu’eux-mêmes y installeront une grande brasserie moderne, ils verront naitre et prospérer l’industrie du lin et du coton, celle du papier et du carton. 

Ils entrent comme fermiers à Ronquières et comme brasseurs. Ils essaimeront à Braine-Le-Comte. Leur activité chez nous est un chapitre intéressant d’histoire locale.

Les Deflandre à Clabecq et à Ittre

Né à Tubize en 1754, Jean-Baptiste Deflandre avait épousé Marie Gailliez et s’était installé à Clabecq où il exploitait une petite ferme et une distillerie dont les bâtiments existent encore et portant toujours le nom Deflandre.  Ils eurent un fils nommé Jean-Baptiste, né en 1789, qui, avec son père, fit le métier de cultivateur et de distillateur. Ce qui explique sa future carrière.

En 1812, il épousa Jeanne Lebacq de Lembeek. Il continua à travailler avec son père à Clabecq où naquirent Jean-Baptiste en 1814 et Florentine en 1816.

Ils s’installèrent alors à Ittre dans une ferme qu’ils exploitèrent pendant neuf ans.  Là naquirent Charles-Louis en 1817, Jean-François en 1819 et Marie Louise en 1820. C’est alors que la ferme du Quesnois à Ronquières était devenue vacante.  Jean-Baptiste la prit en location. Les Deflandre l’exploitèrent pendant 56 ans.

Les Deflandre à Ronquières

En 1820, Jean-Baptiste Deflandre arriva à Ronquières avec sa famille, sauf Charles-Louis mort à Ittre en bas âge.

La ferme du Quesnois étant comme on le sait, une ferme cistercienne ayant appartenu aux moines de Cambron jusqu’à la révolution française, comptait 63 hectares et avait été exploitée pendant 18 ans par Nicolas Havaux d’Ecaussinnes.

C’était une magnifique installation monacale faite d’une cour carrée qu’encadraient les bâtiments agricoles et la maison du fermier. La grange et la bergerie avaient été construites en 1780. Pendant deux siècles, la famille Baudine avait exploité cette ferme d’où la révolution l’avait chassée.

La bergerie nouvellement construite allait inciter Jean-Baptiste à y installer une distillerie et une brasserie.

Les propriétaires de la ferme du Quesnois

La ferme du Quesnois était depuis sept siècles la propriété des moines de Cambron qui, après l’avoir exploitée eux-mêmes, l’avait depuis un siècle louée à la famille Baudine  qui l’occupait encore lorsqu’en 1796, elle fut mise en vente par la révolution française.

Léon du Coron de Bruxelles en fut l’un des acquéreurs. En 1825, elle appartenait à François Delrue, négociant en moutons, habitant rue de la chaussée. Elle passa ensuite à Jean-François Goffin, avocat qui avait épousé Rosalie Delrue, fille de François et qui, en 1896, la vendit à Delphine Dubois, femme de Joseph Terlinden. Arrivé à Ronquières en 1826, Jean-Baptiste Deflandre n’eut à faire qu’avec les Delrue, représentés par François, puis par sa fille, madame Goffin et fut donc leur fermier pendant 56 ans.

Le canal de Charleroi à Bruxelles

Pendant que les Deflandre s’installaient au Quesnois, les hollandais poursuivaient activement la construction du canal de Charleroi qui, à partir de 1832, sera mis en exploitation.

L’exploitation de ce canal va activer fortement l’industrialisation de Ronquières en favorisant les industries qui allaient s’y implanter, papeteries, filatures de coton, meunerie et aussi la brasserie. Jean-Baptiste Deflandre sera avec Maximilien Helui, Valentin Guilmot, Charles Catala et Etienne Denis parmi les artisans les plus actifs de l’efflorescence industrielle de Ronquières.

La famille Deflandre et l’éducation des enfants.

Jean-Baptiste arriva avec une famille de cinq enfants. Jean-Baptiste avait 11 ans, Florentine 9 ans, Jean-François 6 ans, Pétronille 3 ans et Marie-Catherine 1 an.

Cette famille s’accrut encore par la naissance de Charles-Louis en 1826 et de Marie-Joséphine en 1827 et d’Elise en 1830.

L’éducation d’une famille nombreuse était alors un problème difficile. Heureusement Alexis Bomal, clerc et secrétaire communal avait ouvert une école mixte qui, jusqu’en 1840, sera la seule à la disposition des familles. C’est le clerc Alexis Bomal qui fit l’éducation des enfants Deflandre. En 1840, Sylvie Bomal, cousine d’Alexis avait ouvert une école pour filles et un pensionnat qui eut beaucoup de succès. Il est certain que tous achevèrent leurs études à l’école des sœurs du sacré-cœur et les garçons au collège de Nivelles.  C’est là que germa la vocation de Joséphine Deflandre qui entra en religion sous le nom de sœur Angèle.

Le fermier et le brasseur

C’est comme fermier que les Deflandre entrent à Ronquières, au Quesnois. Avec 63 hectares, cette ferme suffisait à l’activité d’un homme. Comme à Clabecq, il avait été distillateur avec son père et que la vaste bergerie, nouvellement reconstruite était inoccupée, cette situation l’incita à reprendre la distillerie paternelle.

Le moulin de Ronquières avait aussi une distillerie. Jean-Baptiste installa donc une distillerie dans les locaux neufs de la bergerie. Son acte de décès de 1857 le dit cultivateur et brasseur.  L’atlas cadastral Popp signale à Ronquières une distillerie et une brasserie au Quesnois.

La distillerie ne réussit pas et nous verrons aussi qu’après la mort de Jean-Baptiste, son beau-fils Minet ne sut pas soutenir la brasserie.

La brasserie de Braine-Le-Comte

Jean-Baptiste Deflandre acheta à Braine-Le-Comte un terrain de 5 ares situé à l’entrée de la ville. Il l’acquéra sur les conseils de son oncle, l’ex dominicain Jérôme Deflandre, alors vicaire de Braine-Le-Comte.

C’est à son fils Jean-François qu’il confia la mission de fonder la brasserie de Braine-Le-Comte. Après que Jean-François eut épousé en 1846 Lucie Derideau de Lillois, le jeune ménage s’installa rue du pont, acheta les immeubles avoisinants le terrain de 5 ares et construisirent la brasserie qui restera plus de 100 ans. Elle est un essaim de la brasserie de Ronquières.

 Jean-François avait fait un beau mariage, ce qui lui permit de se lancer dans les affaires et de poursuivre l’œuvre que son père avait commencée à Ronquières. Ils eurent trois enfants : Elise née en 1851, Anna née en 1854 et Emile en 1856.

Lucie Derideau mourut en 1886 et Jean-François en 1904, agé de 85 ans. Son fils Emile avait repris les affaires.