A partir des environs de l’an mille et jusqu’au 13 siècle, on constate généralement partout un accroissement notable de la population et une période active de défrichement. Il semble bien que ces deux phénomènes se soient manifestés à Ronquières. Nous sommes arrivés à l’époque où les souverains et les seigneurs, inquiets de l’attraction exercée par les villes naissantes, pour retenir leurs manants dans leurs domaines du plat pays, recourent, entre autres moyens, à une nouvelle politique des terres. En maints endroits, ils accordent des chartes-lois assurant certaines garanties à la population Ainsi à Henripont, en novembre 1228 (v Soignies tome VI = 1931, pp 11-18). Ils cèdent à leurs manants, en pleine propriété, moyennant une redevance annuelle plus ou moins modérée, des tenures de consistance relativement modeste (cfr Tulippe, Cours de géographie humaine, tome III 1942, page 18), appelées mainfermes en diverses contrées, notamment à Ronquières. Les effets de ce double phénomène se sont fait sentir:

dans les bois et bruyères qui occupaient, en contact immédiat avec le bois de la Houssière, tout l’ouest du territoire, depuis Henripont jusqu’au vivier Hocquet, à proximité de la Bruyère de Virginal, et qui étaient restés aux mains du souverain, comme réserve du prince, peut-être jusque là plus ou moins «biens communs». Les terres défrichées au départ d’Henripont, à l’initiative sans doute du seigneur d’Henripont, furent connues pendant encore assez longtemps sous le nom de « terres des sarts» ou « démenchures» et le chemin créé pour en faciliter l’exploitation s’appelait le chemin des sarts encore au commencement du 18eme siècle, époque où  il devint la « ruelle des morts» pour faire place il y a quelques années au « chemin du paradis ».

Au Nord, où le territoire voisinait, depuis le bois de la Houssière jusqu’au Croiseau, avec la seigneurie de Fauquez (Ittre) dont il était séparé par le chemin « du r’nau ».

Les terres défrichées de ce côté permirent la constitution de tenures dont certaines furent plus tard localisées dans des lieux-dits:

Vivier Hocquet, voisin du «plantis d’Enghien », lui-même annexe ronquiéroise du bois brainois de la Houssière;

Al Vau, à proximité de Fauquez, rive gauche de la Samme;

ibidem, rive droite de la Samme, sur le champ de Constiémont, où le promoteur semble avoir été le seigneur d’Henripont qui y était propriétaire d’une vingtaine de bonniers, dont trois éclissés sans doute du fief del Bruyère situé un peu plus à l’Est.

Un peu plus tard (compte de 1398 aux A. G. R. Cour féodale Procès numéro  440 pour le seigneur d’Henripont-Escaille), on constate que la plupart de ces tenures sont regroupées en deux ou trois exploitations plus importantes dont:

une entre les mains d’une branche des del Bruyère, Jehan de la Bruwière en 1398, Willame de le Bruyère, son fils, en 1448 (Cartulaire des rentes seigneuriales du seigneur d’Enghien: archives d’Arenberg aux A. G. R. numéro  559);

une autre entre les mains de Jehan Scamp (1448);

3 bonniers échus (droit de bâtard?) en propriété au seigneur d’Enghien;

2 bonniers passent aux pauvres de Ronquières.

Mais tous continuent à payer la rente seigneuriale au seigneur d’Henripont jusqu’au moment où elles passent en d’autres mains avec le fief de l’Escaille dans lequel elles sont désormais confondues.

Et plus à l’intérieur, le hameau de Pideau commencerait à se former.

Vers l’Est où il n’est pas impossible que, dès cette époque, ait commencé à se développer le petit aggloméré de Rombise ou Rambise, aux environs du confluent avec la Samme, du ruisseau (du même nom?) venant de Bornival et que Popp désigne sous le nom de «ri du Roncheval ». A ce hameau se rattachent deux ou trois tenures nommées «les Goulots» s’allongeant dans la vallée de ce ruisseau, ainsi que deux tenures qui, plus tard, prirent de l’importance et devinrent cense d’Hongrée et cense de Champmaret (probablement par corruption d’un primitif Jean Mares).

A cette époque naît vraisemblablement aussi dans le fief de l’Escaille, le hameau de la rue Surbise, composé de très modestes tenures; concédées à des «ost» (Cambron  609) – hospites, dont l’établissement fut sans doute favorisé par le voisinage immédiat du gros domaine d’Haurut. Le reste du territoire ronquiérois de ce coté continue à être entièrement en possession de l’abbaye de Saint-Ghislain et, donc, ne se prête à aucun peuplement. Il y restera réfractaire jusqu’à son morcellement au 15eme siècle.

Quant au centre même du territoire de Ronquières, au confluent des deux rivières, on ne l’habitera probablement pas avant la création de la paroisse et le settlement y sera provoqué ou favorisé par St Ghislain et Cambron sur la « dos ecclesiae» (Cambron pages 582-585).  

Que ce peuplement doive être attribué à St Ghislain me parait très probable, sinon certain, en raison des «justicie » que cette abbaye a cédées à Cambron, en 1182, en annexe à l’altare de Ronquières. On ne voit pas ce que pourraient désigner ces «justiciae» sinon les rentes foncières dues par les parcelles de la dos ecclesiae. On admettra d’ailleurs facilement que l’abbaye ait été amenée rapidement à provoquer l’installation d’un petit aggloméré d’hospites à côté de l’église, du presbytère et du moulin. Au surplus ces hospites de la dos ecclesiae avaient un statut privilégié vis-à-vis du seigneur quant aux tailles et corvées (Cambron page 583-584).

On trouvera plus tard les cens des hospites de la « dos» partagés entre Cambron et le seigneur. Les hospites n’ont pas existé longtemps. Dans la suite les bénéficiaires de concessions de tenures faites, semble-t-il, avec plus de libéralité, n’ont plus porté la qualification d’hospites.

Tout ce travail de défrichement et de mise en culture de terres boisées ou incultes doit être mis à l’actif des petites gens  notamment les «hotes» ou « hospites » , tenanciers, dont on vient de parler. Dans les settlements 1 et 2 , bon nombre de « bosquillons» (ouvriers du bois et professions en dérivant: charpentiers, scieurs de long…) trouvaient travail et moyens d’existence essentiels, ou complémentaires de modestes tenures agricoles, dans le grand bois brainois voisin de la Houssière et le Plantis ronquiérois d’Enghien.

Bien entendu, il n’y a que de minces agglomérés : la population est éparpillée dans les campagnes, les habitations sont isolées, chacune dans sa culture. A peine remarquera-t-on des groupements très relatifs à Sorbise d’abord, puis près de l’église (une quinzaine d’habitations) lorsqu’elle sera construite, au 12eme siècle, et un autre près du moulin de Pideau lorsque le seigneur d’Enghien l’aura fait bâtir, au 13eme siècle.

A partir de 1300 environ, les défrichements et mises en culture se poursuivront plus ou moins activement au cours des siècles jusqu’aux temps actuels. On peut estimer qu’ils portèrent encore, au 18eme siècle, sur une centaine de bonniers et sur quelque 250 bonniers au 19eme siècle.