Par Gérard Bavay

L’éparpillement des grosses exploitations agricoles au hasard de la campagne nous parait le fruit d’un hasard pittoresque, d’une histoire fantasque. Pour un peu, on soulignerait, en référence à nos idées d’aujourd’hui, le caractère purement accidentel des structures ainsi mises en place: la beauté d’une perspective de la campagne tiendrait à l’heureuse mais arbitraire accumulation d’interventions humaines non coordonnées !

L’analyse précise des composants du paysage permet de démentir cette idée, et de pousser plus loin le plaisir esthétique ou purement intellectuel que nous trouvons dans la contemplation, par exemple, d’une vallée. La beauté que nous reconnaissons à un paysage, les lignes qui le composent et qui nous plaisent ont une histoire, et sont bien souvent le résultat d’interventions humaines concertées.  Un paysage est le fruit d’une évolution historique précise. Les différents moments et les axes de cette évolution s’inscrivent encore sur le sol e expliquent ou introduisent le plaisir que nous éprouvons face aux horizons découverts.

Ronquières, du Chenu au Croiseau, les versants de la Sennette comme paysage

Étudier l’histoire d’un paysage quel qu’il soit permet de le comprendre et de mieux l’apprécier. Notons en passant que cette étude permet de mieux le gérer, tel un patrimoine menacé ou dégradé. Une fois cette approche analytique réalisée, tout paysage révèle sa beauté.

Ronquières nous offre quelques exemples précis, notamment toute la rive droite de la Sennette entre le point de départ du plan incliné et Fauquez. Il s’agit d’un grand morceau de campagne tout défriché et partagé en praires et en champs. Les fermes qui s’y dressent sont rares. Des chemins grimpent, par paliers, à l’assaut des versants et creusent profondément les tranchées où ils s’inscrivent. C’est le long de ces chemins que se révèle la structure géologique particulière de ce secteur de la vallée de la Sennette: le fonds de la vallée  s’est profondément creusé dans des schistes très anciens, d’autant plus anciens si l’on descend la Sennette . Cette place tenue par le schiste se révèle dès « l’Escavé », ce chemin très raide qui vous plonge, lorsque vous venez de Braine-Le- Comte, au plein milieu du village. L’église, dont la nef centrale et une partie de la tour sont construites en schiste local, est plantée sur un banc de schiste. On le distingue très bien en faisant le tour par le chemin le surplombant.

Un peu plus loin, à la base de l’autre versant, une falaise impressionnante taillée pour les besoins du canal, témoigne de la structure du sous-sol local. A Fauquez, les mêmes observations peuvent se retrouver: le chemin qui débouche sur le monument aux morts de la première guerre mondiale est construit directement sur le rocher. En prenant, face au pont, le petit chemin qui monte sur la ferme de Follemprise, on observe bien vite une petite ferme construite, elle aussi, avec des moellons de schiste local tandis que les talus du chemin se révèlent être taillés en pleine roche.

La base rocheuse du fonds de la vallée explique bien des choses: notamment la structure en paliers des versants de la vallée et les déclivités très prononcées qui conduisent à la Sennette. L’eau de la rivière a, depuis très longtemps, entaillé le massif rocheux. Mais la résistance de celui-ci ( et sa nature) est telle que l’effet de cette érosion reste très limité en largeur: la Sennette a creusé mais n’a guère pu élargir la vallée, ce qui explique le caractère encaissé du village.

Ce même fait explique sans doute le toponyme original du lieu: Ronquières vient en droite ligne de Roncier ou Ronchy, lieu couvert de ronces et d’épines, situation végétale tout à fait explicable par la nature du sol local. L’agriculture n’a sans doute pas pu démarrer très tôt ici du fait du caractère extrêmement pierreux  des premiers versants de la vallée et de l’étroitesse des rives de la Sennette. La présence du substrat rocheux explique sans doute aussi la présence de gués à divers endroits, et notamment au point de passage actuel du chemin de Braine à Nivelles ( mais aussi à Fauquez et à Pied’Eau).

On pourrait dire qu’au versant rocheux du bas de la vallée succèdent deux autres plages aux caractéristiques bien différentes. Si l’on dépasse en effet les niveaux de schiste du fond de la vallée, on accède à une sorte de plateau intermédiaire largement aménagé en terres agricoles et se terminant sur le dessus par un nouveau talus donnant lui-même accès à un dernier plateau. Cette structure, qu’on peut très bien voir en remontant le vieux chemin de Nivelles par la chapelle du Bon-Dieu de Pitié (  elle se trouve juste à la limite supérieure du premier talus, le plus sévère) témoigne sans doute des prières et des craintes des voituriers au moment d’aborder une pente bien périlleuse.

On retrouve dans maints villages ces chapelles qui signalent, ou plutôt protègent les passages dangereux ( celui-ci l’était tout particulièrement). Il pouvait s’agir aussi d’une assez bonne manière de monnayer la protection divine lors de  moments difficiles.

Le second talus correspond à un niveau de sables bruxelliens beaucoup plus largement érodés que les schistes inférieurs. On trouve la preuve de l’existence de ces sables en examinant les talus qui, tant auprès de la ferme de Follemprise que dans la partie médiane du vieux chemin de Nivelles, se sont profondément creusés dans l’épaisseur de la couche sablonneuse. L’existence de ce sable n’a rien de surprenant pour qui connait le bois de la Houssière ( l’autre versant de la vallée) et ses spectaculaires sablières. Le talus de cette couche de sable n’a pu être aménagé  en terrain de labour, c’est la raison pour laquelle on y trouve encore des prairies.  Celles-ci garantissent en outre la stabilité ds terrains supérieurs et empêchent le ruissellement qui serait désastreux dans le contexte d’un tel sous-sol et d’un tel relief.

On arrive ainsi à la cote des 130 mètres, alors que le fond de la vallée de la Sennette ne se trouve guère qu’à une soixantaine de mètres au-dessus du niveau de la mer. Le sommet du relief est moins mouvementé. De grandes surfaces largement bombées et consacrées à l’agriculture céréalière s’étendent là, à la limite de diverses anciennes communes : Ittre, Nivelles, Bornival et Ronquières et culminent à une altitude de près de 150 mètres.

Le Croiseau, point de rencontre des horizons.

Le lieu est privilégié à divers points de vue. D’abord il offre un gigantesque panorama. A qui sait regarder et reconnaitre, il permet de découvrir tout le bassin de la Samme, les larges échancrures de ses affluents, de même que la vallée de la Sennette de l’autre côté du plan incliné de Ronquières. Quelques perspectives s’ouvrent vers Nivelles, vers Bornival et vers tout le bois de la Houssière, 500 hectares de bois au sommet d’une remarquable butte sablonneuse. Cet endroit porte le nom bien évocateur de Croiseau.

L’interprétation de ce mot ne présente vraiment aucune difficulté. Il évoque tout simplement la croix des chemins, le point de rencontre d’un nombre important de très vieux chemins, ceux sans doute que les premiers chariots de l’âge du bronze commencèrent à tracer. Ce n’est pas par hasard que ce lieu porte la trace d’un grand nombre de ces chemins. N’est-il pas normal de retrouver là, sous toutes sortes de traces, les voies que choisissaient autrefois, pour joindre un lieu à l’autre, de suivre les interfluves, les lignes de partage d’eau entre les vallées, si petites soient-elles?

L’antiquité de ces chemins se marque aussi par les limites de communes qui sont devenues, dès le XII eme siècle sans doute, se superposer à leur tracé. Là où les limites passent aujourd’hui à travers champs, il n’est pas difficile d’identifier le tracé de la route ancienne ou , du moins, un des moments de l’histoire de ce tracé.

Rive droite, rive gauche, le bois de la Houssière .

On peut être frappé par la rareté des maisons: ce lieu de carrefour serait-il un lieu désert?

La chose semble paradoxale mais s’explique pourtant. Les deux versants de la Sennette entre Ronquières et Fauquez ont connu des destinées très différentes. Mais l’une éclaire l’autre.

La rive gauche est aujourd’hui couverte par le bois de la Houssière. Les pentes y sont plus fortes, les dénivellations plus importantes et le sol sans doute moins fertile. On y garde même le souvenir de bruyères ( à Henripont ou à Virginal, les bruyères Jonas ou Jaunasse?). Mais les comtes de Hainaut jouèrent aussi un rôle en sauvant du défrichement cette zone qui était en leur pouvoir. Ils y produisirent du charbon de bois et exploitèrent de manière très systématique, dès le XIV eme siècle au moins, les coupes qu’ils avaient réglées dans la forêt.

Aucune grande forme de défrichement ne se dresse entre la Sennette et le bois de la Houssière, sauf du côté des Ecaussinnes, en amont, et du côté de  Virginal, en aval. Le bois de la Houssière fut, quant à lui, soigneusement préservé.

La résistance opposée par la bute sablonneuse de la Houssière à toute tentative de mise en valeur agricole de ce sol n’a sans doute as peu contribué à faire de cette  zone forestière une des plus belles réserves de sites archéologiques de tout le Hainaut. On a retrouvé, parfois sous quelques centimètres de sable et d’humus des vestiges intacts et immobilisés depuis des millénaires. Les carrières de sable ont malheureusement provoqué des désastres inattendus et invisibles parmi cette réserve archéologique naturelle.

Aucune opération d’envergure n’a jamais envisagé le relevé et l’étude systématique de ces sites. Des découvertes occasionnelles ont relancé plusieurs fois l’attention, sans parvenir à déclencher une opération d’ensemble menée en pleine et claire conscience de la chance inespérée que représente, au milieu d’une zone intensément cultivée, et chaque année un peu plus profondément depuis le XIX eme siècle, un bois d’une telle dimension et d’un relief si favorable.

Il y  a longtemps que des archéologues amateurs ont signalé la découverte d’outils au bois de la Houssière. Vers les années 1920, des tombelles ( petites mottes de sable couvrant des tombes néolithiques) signalées en grand nombre, ont fait l’objet de fouilles diverses dont les résultats sont restés très mal connus.

Aujourd’hui des sites autrefois connus sont de nouveau oubliés. On signale encore un tumulus près du lieu-dit « château-sacré » à droite de la route qui descend vers Fauquez, à moins d’une cinquantaine de mètres de celle-ci. Il s’agit d’une butte de près de deux mètres de hauteur et d’une quinzaine de mètres de diamètre. Elle se situe au sommet du versant de la Sennette et semble n’avoir jamais fait jusqu’ici l’objet d’une fouille systématique. Il peut s’agir d’un tumulus préhistorique ( 2000 ans avant notre ère) mais aussi d’un tumulus romain situé en même temps à la limite d’un domaine et à proximité immédiate d’une route coïncidant approximativement avec la ligne de faîte  du bois de la Houssière. D’autres tumuli, sur la route de Virginal, ont disparu dans les années 1970, sablières obligent !

Au Moyen Age, le bois de  la Houssière était domaine des comtes de Hainaut. Dès l’apparition des plus anciens documents le concernant, au XIV eme siècle, on constate la mise en exploitation de minuscules sablières réservées aux besoins locaux. Les comtes de Hainaut exploitaient systématiquement leur forêt en vendant les arbres provenant des coupes réglées et effectuées dans certaines parties du domaine. Mais, ils se procuraient également leur combustible privilégié, le charbon de bois, en faisant travailler des « faudeurs » en divers points du bois. Ils donnaient en location les clairières pour la pâture des bêtes, vaches ou « blankes biètes » ( moutons) et concédaient enfin certaines aides, à la ville ou à des seigneurs voisins sous la forme de bois de charpente.

Le bois ne semble guère avoir été régulièrement le cadre de chasses systématiques malgré le gibier ( cervidés, sangliers,loups) qui y abondait.

Sur l’autre versant, des intérêts économiques différents, quoique sans doute simultanés à ceux que nous venons d’évoquer, dictèrent un défrichement beaucoup plus important et d’une nature très caractéristique. Alors que les bords du bois de la Houssière sont grignotés par un nombre de minuscules exploitations ( Coraimont à Braine-Le-Comte, Charly des Bois) dont l’économie reposait sans doute partiellement sur des artisanats associés à la forêt, le plateau qui domine la rive droite de la Sennette a été soigneusement déboisé, non au profit de petits courtils mais bien pour le compte de grosses exploitations agricoles téléguidées par des seigneurs locaux, ou mieux, par de grosses abbayes régionales.

Le phénomène est assez clair que pour être identifié ici : à la fin du XI eme siècle ou dans le courant du XII eme siècle, des abbayes obtinrent des nouveaux princes de Hainaut ou de Brabant le droit de défricher de larges parcelles dans les bois qui s’étendaient largement aux limites des anciens terroirs, cantonnés jusque là dans la partie basse de la vallée. Ce droit leur fut accordé ou leur appartenait de manière exclusive, ce qui explique l’isolement dans lequel ces grandes fermes, exploitations modèles d’origine médiévale, se trouvent encore aujourd’hui. Aucun petit manant ne put prétendre à la moindre parcelle des nouvelles terres. Celles-ci furent regroupées en blocs compacts autour de « granges », modèle classique de la ferme abbatiale, ou plus exactement, cistercienne du douzième siècle.

Il ne s’agissait pas de granges isolées au sens actuel. Mais bien de remarquables exploitations agricoles où ceux qui restaient attachés aux modes traditionnels de mise en valeur du sol, pouvaient découvrir un art nouveau de cultiver la terre. Le rôle des granges y avait évident, non seulement par l’ampleur que prenait désormais le bâtiment, mais aussi, par  ce qu’il représentait comme révolution dans l’agriculture occidentale.

Les granges du Croiseau en sont des images exemplaires.

Les granges du Croiseau, de Follemprise et d’Haurut.

La grange est d’abord un monument: elle exige beaucoup de matériaux et des techniques très élaborées. Les constructeurs d’églises romanes furent sans doute bien souvent mis à contribution pour suggérer les modèles architecturaux des grandes nouvelles. Ils fournirent des plans et des techniques d’assemblage pour les vastes charpentes érigées à cette occasion. Mais la grange est aussi la pièce maitresse d’une agriculture renouvelée.

Auparavant, on battait le blé dès la récolte terminée et on entreposait directement le grain dans des greniers ou des silos. L’utilité d’un local destiné au stockage à sec d’une grande quantité de gerbes ne serait apparue à personne. Reporter le battage et surtout le battage de grandes quantités de blé, à une époque plus tardive entrainait la nécessité d’un lieu de stockage, mais il fallait encore que l’usage réservé à la paille justifiât cet investissement et que la production de cette paille fut en liaison avec l’usage que l’on désirait en faire. Reporter la saison du battage au fléau correspondait à une mutation de la gestion du temps et des « ouvriers » agricoles.  Ceux-ci seraient désormais occupés pendant l’automne à des tâches nouvelles telles que la préparation des terrains en vue des semailles de blé d’hiver, ce blé résistant peut-être apporté par les Nordiques, ces farouches Vikings qui furent autant d’agriculteurs judicieux. Les gerbes déposées en août dans la grande y attendront les plus mauvais jours de l’année avant d’être battues.  Le grain sera entreposé et la paille servira à la litière et à la nourriture des bêtes soignées dans l’étable et dans l’écurie qui accompagnent inévitablement la grange.

Cette litière, et tout l’engrais naturel du bétail, serviront ensuite à alimenter un fumier bien situé au centre géométrique des divers bâtiments de l’entreprise, c’est-à-dire au beau milieu de la cour.

Le fumier permettra de rentabiliser des sols plus nombreux et donc, de multiplier la production en assurant peut-être accessoirement l’apparition de céréales à tiges longues, ce qui multiplie la paille destinée à la grange.

Ces granges du Croiseau illustrent donc parfaitement l’apparition d’un nouvel écosystème inventé et plaqué par les moines agronomes du douzième siècle sur une nature anciennement pillée plutôt que gérée. Ce modèle économique conserva sa rentabilité jusqu’à la Révolution Française. Le non morcellement des grandes exploitations d’origine seigneuriale ou abbatiale permit encore au système de se perpétuer pendant tout le dix-neuvième siècle.

Il n’est pas interdit de penser que, dans bon nombre de cas, de grosses exploitations actuelles tirent leurs succès d’un domaine agricole largement et rationnement défriché dès le douzième siècle.

Jusqu’aux origines du village: les monuments

Dans le cas précis de Ronquières, il n’y a que les marges du territoire qui furent défrichées grâce à l’initiative des abbayes et, accessoirement, des seigneurs. Le village lui-même semble bien avoir été  le résultat d’une initiative analogue. Au début du douzième siècle, l’abbaye de Saint-Ghislain installa les éléments d’une  seigneurie de grande dimension au confluent de la Samme et de la Sennette.

Cette seigneurie est connue sous le nom d’Haurut ou d’Haut ru et elle occupait tout l’espace, tout l’éperon situé entre les deux vallées qui, venant du sud, se rejoignent à Ronquières.  Haurut devint un très grand domaine de plus de trois cents bonniers. Il s’organisa autour d’une ferme très importante ( ou plutôt d’une grange) et possédait également une importante zone boisée (le bois d’Haurut) qui ne fut défriché que dans le courant du dix-neuvième siècle. L’emplacement de ce bois est actuellement occupé par la tour et la butée amont du plan incliné de Ronquières.

 A la fin du douzième siècle, cette propriété passa, en même temps que l’autel de la paroisse à la jeune abbaye cistercienne de Cambron. Celle-ci fut responsable jusqu’à la fin de l’Ancien Régime de l’église paroissiale de Ronquières.

Il reste à énumérer les monuments qui jalonnent le fond de la vallée de la Sennette entre Ronquières  et Fauquez, car c’est là que se concentrèrent toutes les installations propres à la vie d’une ou de plusieurs communautés.

On découvrira d’abord le beau moulin seigneurial qui se dresse au point de rencontre de la route de Braine à Nivelles et de la Sennette. Cette construction rabotée, comme son pignon cimenté l’indique, par les élargissements progressifs de la route, garde le témoignage de la structure économique autour de laquelle se concentrait autrefois la vie du village.  Le bâtiment fait un assez large usage de la pierre bleue qui abondait déjà au seizième siècle dans les bassins de la Samme ( Feluy, Arquennes) et de la Sennette ( Ecaussinnes). Une construction plus moderne lui a été annexée, de l’autre côté de la rivière, de même qu’une structure suspendue au-dessus de la roue et joignant le nouveau bâtiment à l’ancien. Sur la rive droite de la Sennette s’étirait autrefois le terrain des archers de Saint Sébastien.

L’église du village, malheureusement incendiée en 1924, conserve encore l’aspect caractéristique de maints monuments élaborés au fil des siècles et grâce à diverses initiatives. On y distingue d’abord la nef centrale, court vaisseau éclairé par quelques rares fenêtres hautes ajoutées au seizième siècle pour fournir un peu plus de lumière à l’ensemble après l’adjonction de deux nefs latérales. Cette nef centrale est en schiste local. Elle remonte peut-être au   treizième siècle ainsi que la tour-clocher qui se dresse au dessus de l’entrée axiale du bâtiment. Cette tour fait encore appel aux moellons de schiste local, mais présente déjà un bel appareil de pierre bleue qui pourrait plutôt la faire dater du quinzième ou du seizième siècle. Une tourelle d’escalier ronde accoste cette tour à l’est. Au seizième siècle, le chœur et les deux nefs latérales furent ajoutées à cet ensemble. Une construction annexe à usage de sacristie fut encore ajoutée par la suite.

L’environnement de l’église ne manque pas non plus d’intérêt.

Lors des travaux d’aménagement réalisés entre les deux guerres, de grandes quantités de terre furent retirées de la bosse sur laquelle se dresse l’église, ce qui contribua à lui donner plus de relief encore.

Les belles pierres tombales des seizièmes et dix-septièmes siècles furent déplacées ( du dallage de l’église notamment) pour trouver place tout au long des murailles limitant les rues voisines. On y trouve une figuration particulièrement remarquable de plusieurs couples Ronquiérois du début des Temps modernes, quelques belles images de couples aisés.

Ronquières réserve enfin quelques perspectives curieuses et quelques bons clichés à qui sait découvrir et voir.

Du haut de l’Escavé, avant de plonger sur Ronquières, en venant de Braine-Le-Comte, il faut prendre la mesure de l’ancien village serré autour d’une église, qui semble profondément blottie au fond d’une vallée étroite et escarpée. A deux cent mètres de l’église, on se trouve encore bien au-dessus du niveau de ses corniches.

De la chapelle du Bon-Dieu-de-Pitié, le long du vieux chemin de Nivelles, on découvre d’un regard le plan incliné et, de part et d’autre, les vallées qui se rejoignent ici. A gauche, la vallée de la Samme a été magnifiée par le canal, à droite la vallée de la Sennette ( qui nous permettrait de remonter vers Ecaussinnes) contourne un massif qui la dissimule très vite au regard. C’est ici que le plan incliné révèle sa nature, qui achemine vers la ligne d’interfluve, entre Samme et Sennette, les grands bacs qui portent les péniches.

Le canal, Ronquières au fil de l’eau

A plus de 60 mètres au-dessus de la Samme, le nouveau canal commence son chemin vers Charleroi en évitant toutes les écluses de l’ancien canal.  

Jusqu’au début du dix-neuvième siècle, Ronquières était un village comme beaucoup d’autres, tirant sa seule singularité d’être au confluent de la Sennette et de la Samme, le point de passage de la très vieille route joignant Braine et Soignies à Nivelles. La rivière était capricieuse et discrète, vagabonde mais travailleuse car elle actionnait un important moulin dont les bâtiments se dressent au bord de la vieille route.

L’événement qui marqua l’histoire du village fut le creusement de 1827 à 1832 du canal de Charleroi à Bruxelles qui suivait la vallée de la Samme jusque Godarville. Là, un tunnel très curieusement creusé sous la crête séparant le bassin de la Samme de celui du  Piéton permettait aux péniches d’atteindre assez aisément le pays noir. La révolution était d’importance, au moment où le chemin de fer n’existait pas et alors que les bassins wallons et hennuyers connaissaient des démarrages foudroyants et prometteurs.

Le 22 septembre 1832, le premier baquet de 70 tonnes quittait Charleroi pour, descendant progressivement les écluses, arriver à Bruxelles le 25. Il passa à Ronquières où il fit l’objet de toutes les curiosités en même temps que de maints commentaires. La Sennette avait désormais un grand frère qui était destiné à grandir et à se développer à côté d’elle.

Nombreux sont encore ceux qui ont en mémoire le projet titanesque élaboré et muri au lendemain de l’exposition universelle de 1958 et achevé en un temps record: la construction du plan incliné de Ronquières. Il représente sans doute, sous sa forme actuelle, le monument le plus achevé et le plus significatif des « Golden Sixties » dans le Hainaut.

Si l’ouvrage était destiné à avoir une fonction économique évidente, il fut aussi l’occasion d’une expérience technologique et artistique de toute première grandeur. La construction d’une tour de 150 mètres de haut visible à des kilomètres à la ronde et qui, observée par exemple au petit matin de la butte sur laquelle se dresse la chapelle Notre-Dame-de-Grace à Henripont, prend tout à fait l’allure d’une architecture sculptée jouant à cache-cache avec le paysage.

On s’est certes habitué à la tour mais la retrouver, au tournant d’un chemin étonne toujours. Elle est omniprésente, marque sans doute la plus significative de toute la deuxième moitié du Vingtième siècle su ce coin du Hainaut.

Ronquières, village trois fois marqué par les techniques et les innovations les plus en pointe de leur époque, est aujourd’hui plus qu’un livre d’Histoire.  C’est un paysage dont la découverte ne peut que se renouveler au gré de tous les points de vue que le promeneur se plaira à y retrouver.