Très vite un obstacle imprévu allait se dresser devant les constructeurs à Bête Refaite, sur le front d’attaque du souterrain, on rencontra des couches de sable boulant, gorgé d’eau. Le travail de percement devenait pénible, les dangers incessants. Le mode d’exécution prévu au cahier des charges et qui consistait à percer la montagne et à réaliser la voûte à l’aide d’un cintrage à plafond mobile dut être abandonné.

Ainsi la nature du terrain joua un rôle déterminant dans le choix des méthodes de travail . Du côté du Piéton, le terrain était formé d’un sable gris peu argileux, très ferme du côté de Bruxelles. Au-dessus de ce même sable gris, se trouvaient des couches d’un sable jaune, ferme et qui était séparé du premier par un petit banc, fort mince, composé de sable vif gorgé d’eau formant un sable boulant

Tout au long du percement, le même scénario se reproduisit ainsi, dès que l’eau pouvait se frayer un passage à travers le toit de la galerie, elle entraînait le sable et “il en arrivait d’autant plus qu’on en retirait”, de sorte que le déblaiement n’avançait pas, les parties de voûte exécutées s’encombrant de sable gorgé d’eau.

La méthode inverse, généralement utilisée pour le percement des galeries houillères, fut alors essayée : les pieds droits furent construits d’abord, ensuite, un noyau central étant maintenu entre ceux-ci, on venait établir la voûte supérieure. Hélas, après sept mètres, le travail dut être interrompu en raison des risques d’effondrement, le terrain se crevassant et se dérobant, détruisant les maçonneries et mettant les hommes en péril.

Il fut donc envisagé de creuser d’abord à la partie supérieure pour la réalisation de la voûte supérieure de la galerie et de venir ensuite par des rempiétements successifs construire des pieds droits par dessous, pour terminer par la réalisation de la voûte renversée du radier. Ce mode de travail, malgré ses difficultés et son coût élevé, fut utilisé pendant quelques jours avec succès. La galerie fut ainsi construite mètre par mètre et pour chaque mètre avec cinq rempiétements successifs. Toutefois la venue, à tout moment, des sables boulants, obligea à mettre fin à cette tentative.

On prit alors le parti d’exécuter la voûte à ciel ouvert , par tronçons de 10 mètres de longueur à chacune des 2 extrémités. Une tranchée était réalisée avec talus 2/4 (soit un angle de 63° avec l’horizontale) depuis le sol jusqu’aux naissances de la voûte dont on posait les cintres sur le terrain ferme. La voûte était maçonnée en hâte sur trois rangs de briques d’épaisseur (0,7Dm), puis on soutenait les talus par des remblais. Toutes ces opérations demandaient quatre jours, dont deux jours et demi pour la voûte, période délicate pendant laquelle se manifestaient toujours des glissements.

Lorsque les mortiers étaient jugés assez durcis, on creusait en sous-oeuvre deux galeries de 1,90 m de hauteur puis les pieds droits étaient maçonnés sur cette même hauteur par portions successives d’un mètre de longueur.

Cette opération étant terminée, une deuxième construction était réalisée sous celle-ci, ce qui portait les pieds droits jusqu’à la profondeur du radier construit en voûte renversée au fur et à mesure qu’était enlevé le massif maintenu entre les pieds droits.

La voûte, qui était donc maçonnée sur 0,70 m d’épaisseur, s’étant en quelques endroits tassée considérablement sous le poids des remblais dont on la chargeait, on lui donna par la suite, dans certaines sections, jusqu’à cinq briques d’épaisseur, soit plus ou moins 1,16 m.

Cette façon d’opérer fut poursuivie à chaque extrémité sur 150 mètres. Mais il était exclu de continuer à construire à ciel ouvert le dessus de la voûte jusqu’au point culminant qui s’élevait à 36 mètres au-dessus du niveau du bief de partage, car des mouvements inquiétants se manifestaient dans les terres supérieures. C’est pourquoi, bon gré mal gré, il fallut reprendre le système utilisé en mine pour l’établissement de la voûte supérieure.

Après une centaine de mètres, il fallut s’arrêter, le sable boulant venant à nouveau envahir la galerie. Pour y remédier, on édifia un mur bouclier, solution adoptée lors des travaux de creusement du tunnel sous la Tamise. On ne put dès lors creuser dans le boulant qu’en utilisant des cintres encore plus bas, ce qui obligeait les ouvriers à se déplacer sur le ventre. Mais bientôt le terrain au-dessus de la galerie se creusa et se disloqua par l’écoulement du sable à point tel qu’il fallut précéder la marche de la mine d’un bouveau qui permettait d’assurer le milieu des cintres. C’est à ce moment que les trois nappes d’eau qui recoupaient la partie supérieure du terrain percèrent les couches étanches qui les séparaient et s’écoulèrent dans la galerie déjà exécutée.

Une nouvelle technique fut dès lors utilisée. Elle consistait à ouvrir une galerie blindée de 1,50 m de longueur dont les “chapeaux” placés longitudinalement reposaient d’une part sur l’extrémité de l’extrados de la voûte déjà maçonnée et d’autre part sur des poteaux placés en fond de fouille . Ensuite, on déblayait sur toute la hauteur de la galerie, à l’abri de chapeaux soutenus d’une part sur la voûte déjà construite et d’autre part sur des étançons placés en éventail, le terrain étant dans l’intervalle des chapeaux et des étançons d’environ 0,20 m retenu par de la paille et des branchages. Le travail s’effectuait en partant du centre, des deux côtés à la fois, jusqu’aux naissances. Une fois la fouille réalisée, on plaçait un nouveau cintre à un mètre du dernier, qui se trouvait à l’extrémité de la voûte achevée, puis on maçonnait un mètre de voûte supplémentaire. Deux maçons se tournant le dos y travaillaient, placés entre les deux cintres : ils conduisaient trois rangs de briques à la fois, depuis chacune des naissances jusqu’à quelques décimètres de la clef, qu’un ouvrier achevait en se plaçant dans l’espace resté libre à l’extrémité de la galerie. Les chapeaux étaient abandonnés, d’où le nom de cette méthode dite du “bouclier perdu”, en maçonnant entre eux. Toutes ces opérations étaient répétées ensuite, pour progresser d’un mètre courant de voûte. Pour la réalisation des pieds droits, après avoir décintré, on trouva plus avantageux d’enlever le massif en deux étapes sur toute la largeur et sur un mètre seulement de profondeur, à chaque étage correspondant une demi hauteur du pied droit. Ainsi, les travaux présentaient trois chantiers  se suivant à distance et desservis chacun par un petit chemin de fer.

Le chantier le plus avancé était celui de la voûte, le deuxième celui de la partie supérieure du pied droit et le troisième celui de la moitié inférieure du pied droit, du radier et de la banquette de halage.

Cette méthode, sans doute la plus coûteuse, réussit complètement. Elle mettait un terme à quatre années de combat.

Vue de l’entrée du souterrain côté Seneffe avec sa façade de briques rouges garnies de pierres de taille