Vendredi 14 octobre 1988 Journal « Le Soir »
Feu la cheminée d'Hennuyères...
Nées en 1879 mais mises en faillite en 1981, les Tuileries d'Hennuyères furent rachetées en décembre dernier par Jef Van den Keybus, un entrepreneur de terrassement, démolition et location de génie civil rebecquois. La reconversion du site a démarré sur les chapeaux de roue puisqu'une quinzaine d'entreprises (au sens large) s'y sont installées. Une animation particulière a fait revivre ce jeudi cette zone de quinze hectares pratiquement à cheval sur le Brabant wallon et le Hainaut: sous l'égide de la Protection civile de Nivelles et des sapeurs-pompiers de Braine-le-Comte, l'armée - le 4e Génie d'Amay - s'est en effet attaquée à une cheminée haute de 35 mètres qu'elle a dynamitée en raison du danger qu'elle aurait fait courir aux locataires des lieux.
En quelques mois, Jef Van den Keybus, une figure de Rebecq, a accueilli aux Tuileries une boulangerie industrielle («Big Belgium Baguette»), la s.p.r.l. Van Laethem (plastiques), un spécialiste de l'aménagement (Renard), un autre de l'isolation (Escoman), un entrepreneur en maçonnerie (Thiels), une entreprise de bâtiment (Binnemans), un démolisseur («Tous Travaux»), un transporteur («Trans Braine»), une menuiserie (Michel), une société d'électricité générale («Eurobat»), un marchand de salaisons («Tubeca»), un «retapeur» de vieilles voitures (Raeckelboom).
La s.a. Métallographite s'est également installée. Elle achète des déchets d'usines métallurgiques, les recycle pour les relancer dans le circuit industriel et exporte nonante pour cent de sa production. La ville de Braine-le-Comte entrepose son matériel. Un café - le bien nommé La Tuile - fait surtout de bonnes affaires le samedi matin lors du marché hebdomadaire. D'autres possibilités existent dans ce site que M. Van den Keybus «nettoie» au propre et au figuré. Il s'attaque pour le moment aux vieux fours Hofmann, ce qui n'est pas une mince affaire si l'on sait qu'ils font 240 m sur 20.
Quatre secondes pour une vie
C'est la méthode dite des trois quarts qui fut utilisée pour abattre cette vieille cheminée haute de 35 m, épaisse de 0,60 m et à la circonférence de 12,30 m. Le principe? Le quart arrière sert de charnière, les deux quarts latéraux sont destinés à assurer la fissuration, le quart avant à la démolition (direction de chute). Quarante-deux trous furent forés puis bouchés à l'aide d'un mélange d'argile compact et de quarante grammes de plastic. L'amorçage s'opéra à l'aide d'un cordon relié à un détonateur électrique.
Quelques secondes suffirent mais elles permirent à quelques «anciens» de revoir avec émotion une bonne partie de leur vie. Richard de Dekker avait mal au coeur, lui qui passa quarante-sept ans de sa vie comme «chef de cour». Un fameux bail qu'il avait signé en 1932.
Les Tuileries d'Hennuyères fabriquèrent jusqu'à 65.000 tuiles par jour. C'était dans les années trente. On acheminait tuiles, briques et hourdis dans toute la Belgique par chemin de fer. On remplissait pratiquement un train par jour.
La société possédait trois autres sièges d'exploitation en France et quatre en Belgique, Bierghes, Waulsort, Havinnes et Wanlin. Ce dernier est toujours en activité mais il a été repris par des Anglais. Ce qui nous a tués, ce sont surtout les multiples changements de direction. A la fermeture en 1981, il n'y avait plus qu'une bonne centaine d'ouvriers. On en avait compté jusqu'à un millier...
Que ceux qui ont raté cette matinée «historique» ne s'en fassent pas trop. L'armée reste sur place afin de préparer la mise à feu de la seconde haute cheminée. Ce devrait être pour mercredi prochain.
Ce site est consacré au village de Hennuyères qui fait partie de l'entité de Braine-Le-Comte dans la province de Hainaut, Belgique.
Aux confins du Brabant Wallon et du Hainaut, Hennuyères se blottit dans ses collines et vallons parsemés de ses hameaux qui ont pour nom Ronchy, Planois, Aulnois, Ardennes, Gare, Chenois. Chacun d’entre eux à son histoire, ses origines propres qui remontent parfois à la nuit des temps. Lire la suite