La Belgique est envahie par les armées allemandes dès le début du mois d’août 1914. Après une héroïque résistance, Liège tombe et Bruxelles subit le même sort le jeudi 20. Très vite, tout le pays est occupé, sauf la partie la plus occidentale délimitée par l’Yser. C’est dans ce retranchement que notre armée tint tête à l’envahisseur durant quatre années. Les hordes de soldats allemands déferlent alors vers le nord de la France.

Dès le début de l’occupation, une de leurs exactions consiste à prélever de la main-d’œuvre belge afin de travailler, entre autres, pour les chemins de fer allemands. Ils exigent qu’un certain nombre de jeunes belges se déclarent volontaires pour travailler sur les voies ferrées et au service des convois allemands.

Nombreux refusent cette obligation. En représailles, l’occupant inflige aux bourgmestres des communes du royaume de nombreuses et exorbitantes amendes et des peines d’emprisonnement. Les réfractaires sont déportés vers l’Allemagne comme travailleurs forcés.

C’est dans ces circonstances que se constitue le fameux camp de Soltau. Situé en Basse-Saxe, entre Hambourg, Hanovre et Brême, dans les marais de Lüneburg, il s’agit du principal camp de concentration dans lequel de nombreux Belges seront internés. Plus de cinq cents camps seront érigés pendant la première guerre mondiale et celui de Soltau fut appelé le camp des Belges. En effet, dès le début du conflit, des contingents de réfractaires belges furent amenés dans ces marais et durent construire les baraquements destinés à recevoir leurs infortunés compatriotes pendant les quatre années de guerre.

L’insalubrité de l’endroit, la promiscuité (on loge à cent-vingt détenus par baraque), l’hygiène sommaire, la nourriture rationnée et les conditions climatiques engendrent une mortalité élevée au sein des prisonniers. Malgré l’inconfort et la condition misérable des déportés, la vie s’organise petit à petit au cours des mois de captivité. Ainsi, une bibliothèque voit le jour. Elle est constituée d’ouvrages en français et en néerlandais. Une troupe de théâtre joue aussi des pièces lorsque les gardiens le permettent. Ces derniers prennent des photographies qu’ils revendent à leurs prisonniers afin qu’ils les envoient à leurs familles. Des séances de courrier obligatoires sont organisées et de nombreuses photos-cartes postales parviennent en Belgique. Les documents qui subsistent aujourd’hui constituent un témoignage important sur la captivité de nos compatriotes.

Le travail forcé est la seule occupation des prisonniers. La tâche consiste à bêcher, à longueur de journée, la terre du marais, afin de l’assécher. Ce travail harassant, bien que souvent illusoire, est exécuté sous la menace constante de coups de pieds, de crosse de fusil que les gardiens ne se gênent pas de donner aux malheureux forçats.

La discipline reste très stricte. La moindre incartade est punie du « poteau », auquel le contrevenant est attaché par le cou, les mains et les pieds des heures durant sans boire ni manger.

La nourriture est pauvre en tout. La portion congrue est de rigueur. Le déficit en calories provoque une faiblesse progressive des organismes déjà éprouvés par les conditions de travail et d’hygiène. Il meurt entre dix et quinze hommes par jour.