Article original paru dans « Entre Senne et Soignes » n° 7 – 1970

Auteur : Pierre VANDENHOUTE

Mondialement connue par le colossal ouvrage d’art que constitue le Plan Incliné, Ronquières est citée pour la première fois dans un acte de 977. Par cet acte, Godefroid le captif donne la terre de Ronquières, sise à la limite du Brabant et du Hainaut, à l’abbaye de Saint Ghislain. Trois ans plus tard, Bernard, un puissant propriétaire local s’étant fait religieux à Saint Ghislain fit don à cette abbaye de son franc alleu appel aujourd’hui Haurut.

Le mouvement général de défrichement du Xieme siècle entraîne l’autorité ecclésiastique à créer au lieu-dit Ronquières une cense abbatiale et plus tard une paroisse. Cette agglomération se constitue autour de l’ « altaria ». Le village passe vers 1200 sous l’autorité des seigneurs d’Enghien qui conserveront leurs droits féodaux jusqu’à la fin de l’ancien régime.

Le moulin monacal

Les viviers et les moulins constituaient les éléments principaux de l’économie des grands domaines abbatiaux. Aussi rien d’étonnant de voir les moines de Saint-Ghislain établir leur moulin à eau en bordure du chemin de Nivelles à Braine-Le-Comte vers 1177. Son emplacement fut choisi au pied de l’éperon rocheux où coulaient la Samme et la Sennette. Les bénédictins n’ont qu’à barrer le bras oriental de la Samme pour amener toutes les eaux au moulin et régler par un jeu de vannes l’alimentation selon les besoins.

En 1182, l’abbaye de Saint Ghislain cède à l’abbaye cistercienne de Cambron le moulin, l’église ainsi que tous les biens qu’elle possède à Ronquières. Il est probable que les cisterciens durent reconstruire leur moulin. En effet, en 1246 Siger d’Enghien les félicite de cette reconstruction.

Pendant deux siècles, l’abbaye de Cambron gère en exploitation directe son domaine et son moulin ronquiérois. La communauté monastique dispose de nombreux converts voués à l’exploitation du domaine. C’est ainsi qu’en 1320 nous trouvons «  Dom Watier de Cambron et frère Jehan de Haspore convier demourans au moulin de Ronkieres ».

Au XV eme siècle, le nombre de religieux a considérablement diminué. Les cisterciens se voient obligés d’affermer leurs propriétés à ces censiers ou de les vendre par arrentement ou a titre définitif.

En 1400, le moulin à trois « usines » est arrenté à Hanin le Viaul dit le monsnier pour neuf ans. Les affaires du meunier ne marchant pas, le moulin tomba en ruine. Les moines demandèrent à la cour scabinale de Ronquières de rentrer en possession de leur bien ce qui leur fut accordé.

Le moulin seigneurial

Le 30 novembre 1411, le seigneur féodal de Ronquières, Pierre de Luxembourg, par un simple échange de créances avec l’abbaye de Cambron, devient propriétaire du moulin. L’ arrentement n’ayant pas été muni du sceau seigneurial, le contrat fut renouvelé en 1445 par Louis de Luxembourg.

Afin d’utiliser les revenus de la seigneurie d’Enghien, souvent séquestrés par Charles Quint, Marie de Luxembourg, vers 1530, fait reconstruire de fonds en comble le moulin ronquiérois. Les expertises de fin de bail de la première moitié du XVIeme siècle le décrivent tel qu’il est encore aujourd’hui.

La prison seigneuriale « la gayole » dont l’existence est déjà  signalée en 1469 et en 1499, fut reconstruite avec le moulin. Elle subsista jusqu’en 1950. L’élargissement de la route de Nivelles à Braine Le Comte a entraîné la destruction de l’ancienne prison.

Le 30 juin 1606, Henri IV de Bourbon, qui avait hérité du moulin de ses ancêtres le vend avec la seigneurie de Ronquières à Charles d’Arenberg.

A la révolution française, le moulin est confisqué et réuni au village. Dès 1803, Napoléon le rend à son propriétaire légitime, le duc Louis Engelberg d’Arenberg.

Le moulin ronquiérois restera la propriété des ducs d’Arenberg jusqu’en 1916. A cette date, il fut mis en vente et acheté par Camille Delmeire qui y exerça son activité pendant de longues années.

Las de ses neuf siècles de labeur et vaincu par les minoteries modernes, le vieux moulin s’endormit profondément au début des années 1960.