Au cours des années qui ont suivi la Première Guerre Mondiale, le canal devient le rendez-vous des promeneurs du dimanche, des familles joliment endimanchées, enfants devant, parents derrière, des couples de « fréquenteux » (fiancés) se tenant par le bras ou encore de joyeuses bandes de filles flanquées de leur éternel petit frère ou petite sœur.

Tous empruntent le chemin de halage ou de contre-halage, traversent au prochain pont et reviennent par l’autre rive, heureux comme s’ils venaient de faire le tour du plus admirable des lacs : temps suspends ton vol !

Et pourtant les jolies perspectives de hauts peupliers qui faisaient le charme du Premier Canal ont été sacrifiées à l’élargissement. A part quelques jeunes marronniers ou tilleuls récemment plantés, notre nouvelle voie d’eau a l’air aussi nue que les moutons tondus qui paissent sur la berge étroitement enchaînée à leur pieu. Le regard en quête de pittoresque se porte alors vers les versants de la vallée, falaises de rochers abrupts mis à nu, une petite Suisse à notre échelle. — bosquets ancestraux ou plantations récentes (châtaigniers, noisetiers) pour stabiliser les pentes escarpées.

Le passage d’un bateau dans l’écluse est un spectacle dont on ne se lasse jamais. Il exerce un tel magnétisme que les jeunes « Marius » en puissance, selon Pagnol, rêvent déjà d’îles Sous-le-Vent.

Mais l’écluse a aussi son mystère. C’est un labyrinthe de couloirs souterrains et de mécanismes secrets dissimulés sous des taques de fonte. Le temps n’est plus où l’on fermait les portes à la main, et où les vannes n’étaient que de minables panneaux coulissants. Aujourd’hui, des rouages invisibles procèdent aux rites de l’éclusage. A la surface du sol, rien que quelques bornes métalliques munies de solides manivelles. Une borne à chaque angle pour la manœuvre des portes, quatre autres bornes joufflues plus au centre pour la commande des vannes. L’eau s’y engouffre en flots furieux et grondements sourds qui font vibrer les taques à la grande frayeur des enfants.

Le déversoir est un autre pôle d’attraction. Chenal de pierre, il relie l’amont à l’aval en contournant l’écluse. Son rôle est de régulariser le niveau d’eau des biefs par un jeu de poutrelles à l’admission. Les riverains l’appellent « coursier » car le courant y est très rapide vu la forte déclivité.

A l’aval, l’eau tombe en chute et s’écrase dans un bouillonnement liquide qui libère des nuages de buée… Bon endroit pour les fins pêcheurs !

Tenues ou Retenues d’eau sont soit d’anciens bras morts de la rivière nés d’un recoupement de méandres soit des tronçons du Premier Canal aménagés en étangs.

En amont d’Asquimpont, en face du Château Coppieters, un tronçon du 2e canal communique par dessous une passerelle avec un bout du Premier Canal.