L’industrie lourde, en Hainaut, à l’exception de la sidérurgie, grâce à la proximité des minerais français, plus particulièrement les minerais de fer lorrains, enregistrait depuis 1929, date de la grande crise mondiale, une sérieuse chute de production. Cet état de choses entraîna, comme le fit remarquer DELMER dans son étude, “L’influence des Voies Navigables sur la localisation des Industries Belges”, la migration des usines de Fontaine-l’Evêque et d’Anderlues vers le nord aux abords immédiats des grandes voies navigables telles que l’Escaut (Gand et Anvers) et le canal de Bruxelles au Rupel.

Voir aussi …
Le canal à 1350 tonnes | Entre Seneffe et Ronquières  | Gustave Willems, l’instigateur | La modernisation du canal à 1350 tonnes | La section entre Clabecq et Bruxelles  |   Le canal pendant la guerre 1940 – 1945  | Le programme de modernisation de 1947  |  Plan du canal à 1350 tonnes

A cet égard également le canal Albert, mis en chantier au gabarit de 2.000 tonnes et qui sera inauguré par S.M. le roi Léopold III le 30juillet 1939, donnait à l’industrie liégeoise des avantages dont le bassin de Charleroi allait être privé à défaut d’une liaison bon marché avec Anvers et d’autres ports belges d’importation de minerais d’outre-mer.

Le remède s’inscrivait pour beaucoup dans l’amélioration des voies de transport de façon à réduire les frais d’amenée du minerai et des articles de consommation, d’une part, et les frais d’expédition des produits de l’industrie (charbons, produits et sous-produits métallurgiques), d’autre part.

L’introduction de tarifs préférentiels sur les chemins de fer, envisagée un instant, fut écartée en raison  notamment de l’énorme quantité de wagons et de locomotives à déployer pour supporter les brusques à-coups de l’arrivée de grands navires. Ce trafic par pulsation se prêtait mal à l’établissement d’un tarif réduit. Partant, le nouveau canal s’imposait seul pour sauver l’industrie du Hainaut.

Son gabarit, pour une exploitation maximale, devait être au moins de 1.350 tonnes. L’influence du gabarit sur le trafic de la voie navigable paraissait essentielle, le meilleur exemple de cette influence étant donné par le canal lui-même. Ainsi la montée du trafic fut quasi verticale en 1933-1934 sous l’action de l’admission des bateaux de 300 tonnes (au lieu de 70 tonnes) dans la partie de Clabecq-Bruxelles.

Le tonnage absolu passa, en chiffres ronds, de 1,7 millions en 1932 à plus de 3 millions de tonnes en 1934, tandis que le tonnage kilométrique, y compris les embranchements, d’environ 50 millions de t.km en 1932,passa à 107 millions de t.km en 1934, soit plus du double. Pourtant, le tonnage kilométrique total sur les voies belges ne s’éleva que de 2,5 milliards de t.km en 1932 à 2,78 milliards en 1934, soit une augmentation de 10 %.

Signalons un autre résultat significatif de la modernisation de ce même canal. Les années 1936 et 1937 virent disparaître graduellement les derniers obstacles aux bateaux de tonnage supérieur à 300 tonnes dans la traversée de Bruxelles. Les statistiques du port de Bruxelles, qui indiquaient un trafic de transit du canal maritime de et vers Charleroi de 619.502 tonnes pour les sept premiers mois de 1936, donnaient 1.097.228 tonnes pour la période correspondante de 1937.

En août 1937, les avantages que l’on voulait retirer de l’agrandissement à 1.350 tonnes du canal de Charleroi étaient les suivants :

1. Sauver l’industrie lourde des pays de Charleroi et du Centre.

2. Donner des débouchés nouveaux à l’industrie charbonnière du bassin de Charleroi et du Centre,  vers le nord et le nord-ouest du pays et vers nos ports.

3. Améliorer la situation de toutes les industries des mêmes régions.

4. Assurer une meilleure liaison entre Anvers et son hinterland du sud et du sud-est dans notre pays.

5. Améliorer les communications entre Anvers d’une part et le nord et l’est de la France, la Lorraine et l’Alsace d’autre part.

6. Donner une solution au problème des crues du Piéton.

7 Créer des possibilités d’établissement de nouvelles industries qui se trouveraient sur une large voie d’eau à une centaine de kilomètres d’Anvers, sur le bassin houiller de Charleroi et du Centre. Ces industries pourraient ainsi recevoir certaines qualités de charbon de la Campine reliée à Charleroi par de larges canaux.