Peu après la paroisse, une communauté civile se crée dont le ressort sera calqué sur celui de la paroisse. Avec, en plus, quelques bonniers enclavés, près de Combreuil, dans le territoire d’Ecaussinnes-d’Enghien : le « petit Brabant ».

Cette communauté civile prendra tout naturellement le même nom que la paroisse. Elle sera même appelée «paroisse » encore de temps en temps au cours des siècles suivants.

Elle est mentionnée en 1182, 1190 etc. (Cambron passim) sous le nom, de territorium-potestas de Runkirie (1182), Runquiera (1190), Ronchieres etc.

On constate le même processus dans quantité d’autres lieux et notamment, dans les environs, à Bornival, Tubize, Ittre, Oisquercq, etc.

Cette communauté, qu’on peut qualifier, suivant l’usage du temps, de seigneurie, restera pendant quelques dizaines d’années, directement administrée par le duc.

En effet, en 1182 (Cambron page 556) c’est à la « curia ducis lovaniensis » que les abbayes de Cambron et de Saint Ghislain auraient recours en cas de difficultés leur suscitées éventuellement à propos du domaine d’Haurut.

En 1197 (Cambron page 733), c’est la duchesse remplaçant son mari qui est à La Croisade qui intervient comme haute justicière à propos de la dîme.

En octobre 1216 enfin (Cambron page 570), c’est encore le duc – mais ceci est une séquelle du passé – qui abandonne à l’abbaye de Cambron la redevance qu’elle lui devait sur le moulin de Ronquières dont la construction avait été autorisée par lui avant 1177 (Ghislain page 386).

Comme administration particulière, il suffisait au duc d’y affecter :

un villicus = un intendant de domaine (pilla), c’est-à-dire  un de ces agents que les princes utilisaient depuis des siècles pour gérer leurs biens ;

des scabini c’est-à-dire des hommes désignés temporairement par le prince pour rendre la justice, conformément à des coutumes appliquées aussi depuis longtemps. Villicus, appelé maïeur dès le 13° siècle, et scabini = échevins, constituaient une véritable administration communale, compétente pour exercer une grande partie des pouvoirs du souverain. On constate dès 1190, leur existence à Ronquières (Cambron pages 564- 565, 574, 579).

Depuis la naissance du régime féodal, une certaine juridiction, contentieuse et gracieuse, était exercée, concernant les terres-fiefs, par les « hommes de fief »  constitués éventuellement dans chaque fief, en une « cour féodale », agissant d’après les règles du droit féodal. En fait un seul fief, celui de l’Escaille, organisa, au moins pendant les derniers siècles, une cour féodale locale. Les autres fiefs ronquiérois, trop peu importants, se rattachèrent à la cour féodale du suzerain dont ils relevaient.

Outre ces deux juridictions, on trouve à Ronquières, à l’époque du duc Henri Ier de Brabant (avant et après 1200), une série de hauts personnages, notamment un «vicomte» dont les attributions n’apparaissent pas clairement. Elles semblent être de nature militaire. Ce vicomte avait reçu en fief le droit et les profits de la collecte de la dîme du village.

Qualifié « de Ronquières », on ne sait trop s’il est seigneur local (vicomte ne signifierait que vassal) ou officier ducal en certaines matières. Il semble faire la transition entre l’un et l’autre.

On petit suivre trois générations de ces personnages:

Domina Donison de Runkiria et ses fils Eustache «equis de Runquieria », Engelbert, Nicolas et Walter (Cambron page 564, en 1190).

Eustache de Runchieres; sa veuve Helvide-Hawide Aléide et son oncle Nicolas (Cambron page 738-739, en 1197);

Henri, miles (Cambron  page 574 en 1221, page 580 en 1229 et 1230), homo du seigneur d’Enghien (Cambron page 580-.582 en 1229/1234) vicomte de Runkires (Cambron page 564-580-583 en 1212 – 1246) époux de Berta (Cambron page 580 en 1229).

Cet Henri est encore appelé « vicuens de Runkires » en mars 1266 (Roland. Monographies namuroises, II Hemptinne page 99) et sans doute le 5 mai 1267 « Henris le vicuens» (Namur, tome 31 = 1912, page 175 numéro 182) bien que depuis 1200 environ la seigneurie de Ronquières soit aux mains du seigneur d’Audenarde puis de celui d’Enghien.

Autre petit fait auquel il faudrait peut-être attacher une signification: le villicus de 1190-1212, 1217, 1221, devient maire mayeur en 1277 (Cambron page 610-613) après que le vicomte a disparu.  Le départ du vicomte était-il nécessaire pour que vienne un mayeur ? Dont le nouveau nom souligne que la notion d’administrateur lui convient mieux que celle d’intendant de domaine. Ou bien n’y a-t-il là qu’une simple coïncidence?

Ces « de Ronquières » tenaient du duc de Brabant, puis du seigneur d’Enghien, plusieurs fiefs, notamment la dîme, qu’Henri cédera petit à petit à l’abbaye de Cambron, ainsi qu’on le verra plus loin.

Où étaient installés ces « de Ronquières »?

Rien ne le dit. II me parait cependant permis de supposer qu’ils occupaient une habitation en face de l’église et sur la dos ecclesiae. Cette maison, d’un certain lustre, a toujours été habitée par des notables.

C’est là que demeurait le greffier de Ronquières, Jehan Tamineau, pendu devant sa maison le 14 février 1569 comme calviniste et complice des iconoclastes. Reconstruite un peu plus tard,  elle devint la « Grande maison ». En outre, elle était flanquée jusqu’il y a peu d’années d’une vaste grange qui, il y a 50 ans, était  encore connue par les anciens du village sous le nom de « grange de la dîme ».

On comprendrait l’existence de cette grange, au premier abord assez insolite, si elle a servi, autrefois, de magasin pour les produits de la dîme. C’est seulement vers 1500 que Michel Posty, fermier du Quesnoit, laissa construire à l’entrée de la rue Sorbise et sur la gauche, une nouvelle grange de la dîme sur un morceau de pré qui lui appartenait, terrain dont la concession à Cambron fut d’ailleurs « renouvelée pour autant que de besoin » le 6 février 1520 par Jehan Anthoine, beau-fils et successeur de Michel Posty (Cartulaire F folio 128).

Or les « de Ronquières» tenaient la dîme en fief. Ils ont donc fort bien pu avoir leur résidence en cet endroit. En tout cas, nul autre lieu dans le village ne s’indique mieux que celui-là.

Quoi qu’il en soit, les maïeurs et échevins ont les fonctions les plus importantes; ils sont les délégués du prince dans tous les domaines qui n’ont pas été expressément attribués à d’autres personnes.

Notamment les échevins sont juges :

en matière de basse justice concernant les mainfermes (dans les fiefs, le prince l’a concédée à des vassaux);

en matière criminelle, ils instruisent les procès et prononcent les sentences, sauf quelques cas spéciaux, sans doute toujours réservés au prince: lèse-majesté, fausse monnaie, hérésie… pour tout le territoire: alleux, fiefs, mainfermes. Ce n’est que plus tard que seront créées des instances de contrôle et d’appel.

Notons encore qu’une juridiction ecclésiastique l’officialité de Cambrai — intervient en 1228 n. s. dans une contestation à propos d’une partie de la dîme de Ronquières que Cambron réclamait à l’hôpital Saint-Nicolas de Nivelles (Cambron page 838-.840).